Platon rêvait beaucoup, et on n’a pas moins rêvé depuis.
Voltaire, Songe de Platon (1756)
Lorsqu’elle souligne, à propos des rapports entre les encyclopédistes et le Dictionnaire de Trévoux, que « l’article HENRIADE, de Diderot », contrairement au ton « enthousiaste » que le dictionnaire des jésuites adopte pour parler de La Henriade, « propose un jugement infiniment plus mitigé », Marie Leca-Tsiomis suggère qu’il n’est pas impossible qu’il s’agisse aussi d’une réplique au jugement que D’Alembert avait lui-même énoncé, en août 1760, dans son discours de clôture de l’Académie:
Il y a ainsi, notons-le au passage, dans ces articles, appartenant à des ouvrages rivaux ou au même ouvrage, des dialogues sous-jacents qui touchent aux systèmes de reconnaissance interne des « gens de Lettres », au travers de procédures complexes, voire retorses, qu’il conviendrait peut-être un jour d’examiner de près […] [1].
Comme souvent, Marie Leca-Tsiomis suggérait « au passage » une perspective de recherche colossale, « peut-être » fructueuse : qui l’aime la suive.
C’est à l’initiative de Raymond Naves que le chantier d’étude des rapports entre « Voltaire et l’Encyclopédie » a été ouvert [2]. On peut, dans son sillage, observer le contraste, parfois saisissant, entre les discours officiels que fait entendre celui qui entend s’imposer, à partir des années 1750, comme le chef de file des « philosophes » et les discours privés que reflètent sa correspondance mais aussi les traces de lecture conservées dans son exemplaire personnel du Dictionnaire raisonné [3], ou encore, sous le voile, somme toute assez transparent, de l’anonymat, dans ses propres œuvres alphabétiques : de manière évidente, par leur titre, dans les Questions sur l’Encyclopédie (1770-1772, 1774), mais aussi dans le Dictionnaire philosophique, dont les éditions et rééditions se succèdent entre 1764 et 1769.
L’examen de la manière dont Voltaire lit les articles de Diderot, surnommé, principalement dans la correspondance avec Damilaville, « frère Platon » ou « frère Platon-Diderot » [4], permet de mettre au jour quelques-uns de ces « dialogues sous-jacents » – et singulièrement « retors » – évoqués par Marie Leca-Tsiomis, qui en l’occurrence engagent les positionnements stratégiques de l’homme de lettres, mais aussi la présence, dans l’espace public, du philosophe. Pour faire bonne mesure, il convient de rappeler pour mémoire les jugements positifs émis, dans le cadre des échanges plus libres – mais jamais totalement dénués de mise en scène – de la correspondance avec les « frères », ou dans les marges de son exemplaire de l’Encyclopédie, sur les articles CONCILE (1753) [5], HOBBISME, ou Philosophie d’Hobbes (1765) [6], ou encore MENACE (1765) [7]. On s’en tiendra ici à deux exemples de dialogues plus complexes qui font apparaître des phénomènes de réticences, sur un arrière-plan de malentendus : ils confirment que, dans le contexte d’une réaction antiphilosophique amplifiée par des relais institutionnels, l’unité des « philosophes », que Voltaire est le premier à prôner à cor et à cris, n’en est pas moins travaillée sourdement par des incompréhensions, sinon des désaccords.
En veut-il à Newton ?
D’après le corpus des notes marginales, l’article EPICURÉISME ou EPICURISME (1755), signé de l’astérisque de Diderot, comporte peu de traces de lecture, mais la présence de signets entre les pages 782 et 783, et entre les pages 784 et 785, suggère que Voltaire en a effectué la lecture intégrale. Son désignant rattache l’article à l’« Hist[oire] de la Philosophie », ce que reflète la composition, très concertée, du texte. D’une part, Diderot présente les « points fondamentaux de la doctrine d’Epicure » (« De la philosophie en général », « De la physiologie en général », « De la théologie », « De la morale », p. 780a-784a) en mettant en œuvre un mode d’exposition particulier :
[…] afin qu’on puisse porter un jugement éclairé de la doctrine d’Epicure, nous introduirons ce philosophe même, entouré de ses disciples, & leur disant ses leçons à l’ombre des arbres qu’il avoit plantés. C’est donc lui qui va parler dans le reste de cet article ; & nous espérons de l’équité du lecteur, qu’il voudra bien s’en souvenir. La seule chose que nous nous permettrons, c’est de jetter entre ses principes quelques-unes des conséquences les plus immédiates qu’on peut déduire (p. 779b).
Se met ainsi en place une scénographie énonciative, dont le protocole, ainsi décrit, n’est cependant pas sans ambiguïtés : la parole est certes donnée, en première personne, au personnage d’Épicure, et Diderot a soin de s’en démarquer ; mais en mêlant aux propos censés être tenus par Épicure l’énoncé des « conséquences […] qu’on en peut déduire », la ligne de partage entre les discours respectivement pris en charge par le personnage et par l’auteur de l’article se trouve discrètement brouillée. De fait, la lecture du texte convainc rapidement que la présentation de la doctrine épicurienne fournit à Diderot l’occasion d’exposer, dans ses fondements et dans ses incidences morales en particulier, les principes d’un matérialisme athée que l’auteur de la Lettre sur les aveugles ne saurait renier.
À cette partie philosophique succède, d’autre part, une partie historique qui comporte successivement des éléments sur la vie d’Épicure (p. 784a-785a), puis des considérations sur la postérité de la « philosophie épicurienne » (p.785a-b). Diderot prolonge en effet l’enquête jusqu’à une période récente, qui illustre l’« éclat » de la « secte épicurienne » en France : l’évocation de l’« école de Seaux », qui « rassembla tout ce qui restoit de ces sectateurs du luxe, de l’élégance, de la politesse, de la philosophie, des vertus, des lettres & de la volupté », conduit aussi à celle de certains de ces disciples, au nombre desquels se trouve le nom de « M. de Voltaire » (p. 785b).
Aussi l’intéressé était-il d’autant plus fondé à prêter attention à cet article. Toutefois, à l’exception des signets qui repèrent les dernières pages, l’attention de Voltaire s’est arrêtée sur un passage qui se trouve dans l’exposé philosophique :
Encyclopédie, art. EPICURÉISME ou EPICURISME[8] | CN, t. 3, p. 392[9] |
Gardons-nous bien de rapporter à nous les transactions instant de notre durée. Mais pour juger de notre mon- derechef dans les bassins d’où elles s’étoient extrava- | / quelle / etrange sottise ! en veut il a neuton
|
La difficulté de l’interprétation tient ici pour partie à la polysémie de l’énoncé, lorsqu’on le rapporte à la scénographie énonciative mise en place par Diderot : que désigne le « il » qui, dans la note de Voltaire, en « voudrait » à Newton ? À l’évidence, il ne peut s’agir d’Épicure, auquel il serait absurde de reprocher d’ignorer les travaux de Newton. Mais s’il est entendu que c’est bien Diderot qui est en cause, resterait à décider de quel Diderot il est ici question : Diderot qui, en tant qu’auteur de cet article, serait responsable des propos qu’il consigne, ou Diderot en tant que porte-parole d’Épicure [10] ? En d’autres termes, dans quelle mesure Voltaire accepte-t-il l’injonction d’« équité » dont faisait état Diderot, en demandant au « lecteur » de se « souvenir » que celui qui s’exprime n’est pas (seulement ? d’abord ?) le signataire de l’article, mais Épicure, constitué en personnage ? On voit que l’ambiguïté, signalée plus haut, du dispositif adopté n’est pas sans incidence sur la lecture qui peut en être faite, en particulier sur la réception qu’en effectue Voltaire, dont sa note est la marque.
On peut d’abord observer que le passage incriminé, qui figure en bleu, comporte des affirmations qui, au regard de la fiction mise en place, ne sont pas invraisemblables : on retrouve certains éléments de l’atomisme épicurien tel qu’il est présenté dans le De rerum natura de Lucrèce, et ce que Diderot fait déclarer à Épicure correspond à un état du savoir, certes contraire à ce que Newton a établi, mais conforme aux connaissances en vigueur trois siècles avant notre ère. La « conclusion » qui en est tirée est elle-même cohérente par rapport aux prémisses du discours, quoiqu’elle fasse apparaître avec netteté, aux yeux d’un lecteur de 1755, le caractère évidemment daté du propos : dans l’article ANTIPODES (1751) de l’Encyclopédie, D’Alembert rappelle que « long-tems avant » les Pères de l’Église, Lucrèce avait rejeté « la possibilité des antipodes », « comme il paroît par la fin du premier livre, v. 10. 60. &c. [11] ». Reste que, en employant l’expression manifestement anachronique de « chûte des graves », Diderot fait lui-même implicitement référence à la théorie de Newton, et s’expose par là même à la critique que Voltaire ne manque pas de formuler. On peut aussi observer que le même passage n’est pas indispensable dans l’enchaînement du propos développé dans cette portion de l’article : le large extrait qu’on en a fourni permet d’en juger. Sa présence pose donc question, et ce questionnement n’est pas sans lien avec ce que Voltaire écrit en marge de ce passage [12]. Deux interprétations, au moins, peuvent alors être proposées.
Une première lecture amène à être sensible au caractère à la fois inessentiel et contestable, pour un lecteur de l’Encyclopédie, du passage incriminé, et à considérer que la remarque de Voltaire est motivée par le souci de concilier héritage philosophique et progrès scientifique. Il ne serait ainsi pas de bonne stratégie de faire tenir à Épicure des propos de cette nature, en explicitant de la sorte les « conclusions » qui doivent en être tirées, sauf à avoir pour objectif de discréditer ces propos : une telle démarche, qui s’accorderait avec les discours qu’il arrive à Voltaire de prêter, par exemple, aux disciples de Platon, ne semble pas correspondre au but recherché par Diderot dans cet article. Étant donné que le discours prêté à Épicure reste de l’ordre de la reconstruction, voire de la fabrication, on peut alors comprendre que Voltaire reprocherait à Diderot de ne pas avoir actualisé jusqu’au bout ce discours en l’amendant en conséquence, du moins en évitant de faire tenir au personnage un discours, certes vraisemblable d’un point de vue historique, mais démontré faux ultérieurement d’un point de vue scientifique. Il s’agirait, en somme, de ne pas prêter le flanc à la critique des lecteurs et lectrices éclairé·es, en leur fournissant ce prétexte de congédier ce qu’expose un article dont certains contenus sont manifestement obsolètes.
Une autre lecture demeure cependant possible, qui consisterait à interpréter la note comme la marque même d’un tel rejet : en lecteur éclairé, Voltaire tirerait argument de la présence de considérations périmées pour balayer d’un revers de main un discours qui fait entendre une prise de position matérialiste, trop ouvertement contraire à l’orientation déiste de sa pensée, laquelle est en revanche parfaitement compatible avec la théorie newtonienne. Dans cette hypothèse, la note soulignerait non pas tant la nécessité de n’offrir aucune prise pour contester un discours militant (on sait que la question de la matérialité de l’âme, soulevée par les propos du pseudo Épicure est au centre des préoccupations de Voltaire, au moins depuis les Lettres philosophiques[13]), mais, au contraire, le désaccord philosophique fondamental qui oppose Voltaire aux tenants de la « coterie holbachique ». En l’état de la connaissance du Corpus, rien ne permet de dater avec plus de précision la rédaction de cette note, qui s’éclaire pourtant différemment en fonction de l’histoire des débats qui mettent aux prises Voltaire et les matérialistes.
Veut-il rire ?
Dans l’article HISTOIRE (1765) rédigé pour l’Encyclopédie, Voltaire pose que ce qui « répugne » au « cours ordinaire de la nature » ne « doit point être cru », « à moins qu’il ne soit attesté par des hommes animés de l’esprit divin », ce qui est lourd de sous-entendus et se trouve largement exploité ailleurs, sur des questions relatives à l’histoire sacrée [14]. L’énoncé de ce principe, tout en permettant de prolonger la réflexion sur la notion de « certitude », aboutit aussi à une critique de l’article de l’Encyclopédie qui porte ce titre :
Voilà pourquoi à l’article certitude de ce dictionnaire, c’est un grand paradoxe de dire qu’on devait croire aussi bien tout Paris qui affirmerait avoir vu ressusciter un mort, qu’on croit tout Paris quand il dit qu’on a gagné la bataille de Fontenoy. Il paraît évident que le témoignage de tout Paris sur une chose improbable, ne saurait être égal au témoignage de tout Paris sur une chose probable. Ce sont là les premières notions de la saine métaphysique [15].
Dans l’article CERTITUDE (1752), l’abbé Yvon reprend une « dissertation » de l’abbé de Prades qui entreprend de réfuter une affirmation de Diderot dans les Pensées philosophiques ; cet article était déjà épinglé dans la lettre à D’Alembert du 28 décembre 1755 :
Mes maîtres encyclopédiques, est-ce que vous aimez les choses problématiques ? M. Diderot avait bien dit, à mon gré, que quand tout Paris viendrait lui dire qu’un mort est ressuscité, il n’en croirait rien. On vient dire après cela que si tout Paris a vu ressusciter un mort, on doit en avoir la même certitude que quand tous les officiers de Fontenoy assurent qu’on a gagné le champ de bataille. Mais, révérence parler, mille personnes qui me content une chose improbable, ne m’inspirent pas la même certitude que mille personnes qui me disent une chose probable ; et je persiste à penser que cent mille hommes qui ont vu ressusciter un mort, pourraient bien être cent mille hommes qui auraient la berlue [16].
Plaisanterie mise à part, la critique s’effectue dans des termes comparables à ceux que l’on trouve dans l’article HISTOIRE : d’un côté, une « chose probable », qui correspond à un événement historique ; de l’autre, une « chose improbable », extra-ordinaire en tant qu’elle enfreint le « cours ordinaire de la nature ». Témoignage pour témoignage, attesté par le même nombre de témoins, seul le premier présente un degré de probabilité suffisant pour être considéré comme relevant de la « certitude historique », entendue comme « extrême probabilité ». L’enjeu peut être qualifié de « philosophique » à plusieurs titres. D’une part, il en va de la définition même de l’épistémologie de l’histoire, l’historien ne devant « donner pour vrais » que des « faits » dûment attestés. D’autre part, la nature même de l’exemple retenu – la résurrection d’un mort – n’est évidemment pas anodine, en raison des échos qu’il suscite avec les épisodes bibliques. On comprend les incidences de la publication, dans un « Dictionnaire raisonné », de ce que Voltaire désigne comme une « erreur » [17], et l’importance qu’il y a à la corriger au sein du même ouvrage : « Ce dictionnaire est consacré à la vérité ; un article doit corriger l’autre ; et s’il se trouve ici quelque erreur, elle doit être relevée par un homme plus éclairé [18]. » On comprend aussi qu’il soit à nouveau question de cet article malheureux dans ses propres ouvrages alphabétiques à commencer par l’article « Certain, certitude » (1764) du Dictionnaire philosophique, repris et rallongé dans les Questions sur l’Encyclopédie.
On retrouve en effet les mêmes critiques, formulées dans des termes plus ou moins proches, dans le Portatif, qui mentionne cette fois-ci explicitement le « Dictionnaire encyclopédique » et son « article Certitude » à deux reprises, à la fin du texte et en note :
On a imprimé dans le Dictionnaire encyclopédique une chose fort plaisante ; on y soutient qu’un homme devrait être aussi sûr, aussi certain que le maréchal de Saxe est ressuscité, si tout Paris le lui disait, qu’il est sûr que le maréchal de Saxe a gagné la bataille de Fontenoy, quand tout Paris le lui dit. Voyez, je vous prie, combien ce raisonnement est admirable ; je crois tout Paris quand il me dit une chose moralement possible ; donc je dois croire tout Paris quand il me dit une chose moralement et physiquement impossible.
Apparemment que l’auteur de cet article voulait rire, et que l’autre auteur qui s’extasie à la fin de cet article, et écrit contre lui-même, voulait rire aussi. (a)
(a) Voyez l’article Certitude, Dictionnaire encyclopédique [19].
Probablement par souci de l’effet, la « chose fort plaisante » est en partie rendue « plaisante » par son traitement dans le Portatif : dans l’article HISTOIRE, Voltaire s’en tenait à évoquer « un grand paradoxe ». On observe d’abord l’apparition du personnage du maréchal de Saxe, qui devient le pivot du discours : là où, dans HISTOIRE, Voltaire présentait la « chose » de manière abstraite et indéfinie (« ressusciter un mort » ; « on a gagné la bataille de Fontenoy »), la mise en avant du personnage du maréchal, en tant que protagoniste hypothétique des deux événements dont il s’agit de mesurer le degré de certitude, confère une dimension concrète au propos. Voltaire transforme aussi la manière dont il en rend compte. D’une part, au sein d’un développement consacré à la question de la « certitude historique », réduite à la seule « extrême probabilité », Voltaire formule, dans HISTOIRE, les oppositions en termes de probabilité (« chose improbable » vs « chose probable ») : les mêmes systèmes d’oppositions se retrouvent ici, rapportées à la catégorie du « possible », dont des adverbes viennent spécifier la nature (« gagner la bataille de Fontenoy » vs « ressusciter » ; « chose moralement possible » vs « chose moralement et physiquement impossible »). Par l’ajout des adverbes, le propos fait ici encore écho à ce que l’on trouve dans d’autres articles du Portatif, notamment aux analyses consacrées aux questions de la « foi » et des « miracles », plus généralement à celle de la croyance à accorder à des « vérités » surnaturelles. Ainsi, par exemple, à propos du « déluge universel », dans « Inondation » : « c’est une chimère absurde en physique, démontrée impossible par les lois de la gravitation, par les lois des fluides, par l’insuffisance de la quantité d’eau ». Quant à « la grande vérité du déluge universel rapporté dans le Pentateuque », « c’est un miracle, donc il faut le croire ; c’est un miracle, donc il n’a pu être exécuté par les lois physiques » : en somme, « ce sont de ces mystères qu’on croit par la foi, et la foi consiste à croire ce que la raison ne croit pas, ce qui est encore un autre miracle [20] ».
D’autre part surtout, Voltaire infléchit discrètement le discours dans le sens de la caricature : alors que, dans HISTOIRE, il s’agissait de juger du degré de certitude à reconnaître intrinsèquement aux deux « témoignages » (l’un « ne saurait être égal à » l’autre), Voltaire introduit, dans l’article du Portatif, une implication logique nouvelle : « je crois » l’un, « donc je dois croire » l’autre. Le « grand paradoxe » devient ainsi une aberration logique : une « chose fort plaisante ». C’est d’ailleurs l’hypothèse de la plaisanterie qui est avancée dans le dernier paragraphe de l’article, hypothèse elle-même présentée en forme de devinette adressée aux lecteurs et lectrices : qui est cet « auteur » qui, « apparemment », « voulait rire » ? Qui est cet « autre auteur » qui « voulait rire aussi » ?
Seule une confrontation avec le texte de l’Encyclopédie permet de répondre. D’après l’inventaire effectué par Richard Schwab, Walter Rex et John Lough [21], l’« auteur » de l’article, on l’a vu, serait l’abbé Yvon, mais la véritable cible est sans doute l’abbé de Prades, dont une « dissertation » est reprise pour constituer une large portion de l’article CERTITUDE, en particulier le passage qui est ici en ligne de mire. Ce passage correspond à la discussion de la quarante-sixième des Pensées philosophiques (1746), contestée, sur le mode de la réfutation, par l’abbé de Prades :
Ce que j’ai dit jusques ici suffit sans doute pour repousser aisément tous les traits que lance l’auteur des Pensées Philosophiques, contre la certitude des faits surnaturels : mais le tour qu’il donne à ses pensées les présente de maniere, que je crois nécessaire de nous y arrêter. Ecoutons-le donc parler lui-même, & voyons comme il prouve qu’on ne doit point ajoûter la même foi à un fait surnaturel qu’à un fait naturel : « Je croirois sans peine, dit-il, un seul honnête homme qui m’annonceroit que Sa Majesté vient de remporter une victoire complette sur les alliés : mais tout Paris m’assûreroit qu’un mort vient de ressusciter à Passy, que je n’en croirois rien. Qu’un historien nous en impose ou que tout un peuple se trompe, ce ne sont pas des prodiges ». Détaillons ce fait. […] [22]
Quoique le rapport instauré dans la citation des Pensées philosophiques soit plus radical encore (« un seul honnête homme » vs « tout Paris »), on n’observe aucun désaccord avec le propos voltairien quant à ce qui peut, ou non, être support de croyance. Le désaccord est en revanche total avec l’argumentation de l’abbé de Prades, que la démonstration qui suit amène à des conclusions diamétralement opposées à celles de « l’auteur des Pensées Philosophiques ».
On entrevoit aussi qui pourrait être l’« autre auteur » évoqué par Voltaire dans son article. La lecture de l’Encyclopédie fournit d’autres indices, dans la mesure où le texte de la « dissertation » de l’abbé de Prades est encadré par deux énoncés imprimés en italiques. Le premier a entre autres fonctions d’introduire la « dissertation de M. l’abbé de Prades », dont la visée argumentative est rendue explicite : elle est « destinée à servir de discours préliminaire à un ouvrage important sur la vérité de la religion ».
Nous l’eussions peut-être analysée, si nous n’avions craint d’en altérer la force. L’objet d’ailleurs en est si grand ; les idées si neuves & si belles ; le ton si noble ; les preuves si bien exposées, que nous avons mieux aimé la rapporter toute entiere. Nous espérons que ceux à qui l’intérêt de la religion est à cœur nous en sauront gré, & qu’elle sera très-utile aux autres. Au reste, nous pouvons assûrer que si la fonction d’éditeur de l’Encyclopédie nous a jamais été agréable, c’est particulierement dans ce moment. Mais il est tems de laisser parler l’auteur lui-même : son ouvrage le loüera mieux que tout ce que nous pourrions ajoûter (p. 846b).
Le second conclut l’article sur un mode semble-t-il tout aussi élogieux, et désigne notamment la « dissertation » qu’on vient de lire comme « un si bel écrit » (p. 862a). L’identité de l’« autre auteur » auquel fait référence Voltaire ne saurait faire mystère : outre le fait qu’il est question de la réfutation des Pensées philosophiques, les deux passages en italiques sont pris en charge par un locuteur qui se désigne, dans le premier, comme « éditeur de l’Encyclopédie », et qui est aussi identifiable, dans le second, par l’astérisque, marque de Diderot. On comprendra donc la fin de l’article de Voltaire de la manière suivante : « l’autre auteur [Diderot] […] s’extasie à la fin de cet article, et écrit contre lui-même », dans la mesure où ses éloges appuyés vont à un texte qui entreprend de réfuter les propos qu’il avançait, en 1746, dans les Pensées philosophiques.
Qu’en est-il, alors, de cette double plaisanterie ? L’abbé de Prades « voulait »-il « rire » ? On connaît l’histoire de la condamnation de sa thèse par la Sorbonne en 1751, l’exil qui l’amène à la cour de Frédéric II ainsi que le rôle que joue Voltaire dans l’accueil qui lui est réservé ; on sait aussi qu’il est fort probable que Voltaire a participé à la rédaction d’une partie au moins du Tombeau de la Sorbonne, qui paraît en décembre 1752 [23] ; on connaît enfin l’exploitation qui a été faite de cette affaire dans la polémique contre l’Encyclopédie [24]. Tout devrait donc conduire à faire de l’auteur un soutien de la cause philosophique, mais être érigé en martyr de la « philosophie » ne fait pas de la victime un philosophe. Il est à cet égard symptomatique que le texte de l’abbé puisse être lu comme « une conciliation à haut risques entre raison et Révélation », et réfuté dans les marges de son exemplaire par le « souscripteur anonyme » dont Jean Haechler et Françoise Jouffroy-Gauja ont étudié les traces de lecture [25]. Diderot « voulait »-il « rire aussi » ? Si l’on en juge par la réception – certes assurément polémique – qu’expriment les Réflexions d’un franciscain sur les trois premiers volumes de l’Encyclopédie (1754), le dispositif mis en place dans l’article CERTITUDE ne fait guère illusion : le but de cet article viserait à « rendre tout incertain » et à « accréditer le Scepticisme en feignant de le combattre » ; quant à « l’aveu de la défaite » que prononce Diderot à la suite de la dissertation de son adversaire, il « paraît simulé » [26]. Cette lecture, que confirme le jugement de John Lough [27], est corroborée par l’hypothèse selon laquelle les propos de Diderot, trop hyperboliquement louangeurs pour être considérés comme parfaitement sincères, relèvent du persiflage [28].
Un « objet […] si grand », des « idées si neuves & si belles », un « ton si noble », des « preuves si bien exposées », enfin « un si bel écrit » : les expressions se suivent et se ressemblent, mais la multiplication de l’intensif suivi d’un adjectif acquiert, par la répétition même, quelque chose de suspect. La dernière occurrence, que l’on trouve dans le second texte de Diderot, intervient dans un énoncé qui donne aisément prise à une lecture ironique : « on conviendra que si quelqu’un », l’auteur des Pensées philosophiques par exemple, « avoit donné lieu à un si bel écrit, par les objections qu’on y résout, il auroit rendu un service important à la religion ». On n’attendait pourtant pas Diderot sur ce terrain-là. Il ajoute qu’« il y eût eu peut-être de la témerité » à « proposer » de telles objections, « surtout en langue vulgaire » : mais « l’évidence est sûre d’obtenir tôt ou tard un pareil triomphe sur les prestiges du sophisme ». Et d’opposer ainsi l’« évidence » au « sophisme », puis « le flambeau de la vérité » au souffle du « mensonge ». Par conséquent, « si l’auteur des Pensées philosophiques aimoit un peu son ouvrage, il seroit bien content de trois ou quatre auteurs », qui ne sont pas nommés « par égard pour leur zele & par respect pour leur cause », et « mécontent de M. l’Abbé de Prades, s’il n’aimoit infiniment la vérité ». Aux premiers, qui s’y sont manifestement mal pris pour critiquer les Pensées philosophiques, Diderot adresse un avertissement cinglant : « sachez qu’il n’y a point d’objections » – du type de celles que l’abbé de Prades serait parvenu à « résoudre » – « qui puissent faire à la religion autant de mal que les mauvaises réponses : sachez que telle est la méchanceté des hommes, que si vous n’avez rien dit qui vaille, on avilira votre cause, en vous faisant l’honneur de croire qu’il n’y avoit rien de mieux à dire ». L’abbé de Prades se voit quant à lui invité « à employer ses grands talens à la défense du seul culte sur la terre qui mérite un défenseur tel que lui [29] » : c’est aussi laisser entendre que la religion chrétienne ne mérite pas mieux.
Dans CERTITUDE, c’est donc l’ensemble du dispositif de l’article qui fait sens : le discours orthodoxe que tient l’abbé de Prades dans sa « dissertation » se trouve encadré par les deux interventions de Diderot qui le prennent comme en tenaille, ou en sandwich [30], l’encerclent et le cantonnent, et qui, dès lors qu’ils se prêtent à une lecture à double entente, en infléchissent aussi la portée. Voltaire ne peut pas ne pas l’avoir compris, ce qu’exprime l’idée, avancée dans l’article du Portatif, selon laquelle Diderot voudrait « rire ». La variante introduite dans l’édition Varberg (1765) n’en demeure pas moins significative : « Ou plutôt », ajoute Voltaire, « il voulait apaiser les ennemis de la raison : il donnait une chandelle au diable [31] ». La formule [32], qui entre en résonance avec les critiques adressées à un Dictionnaire encyclopédique « défiguré et avili par de lâches complaisances pour des fanatiques » au lieu de « dire des vérités dangereuses [33] », dénonce une stratégie de ménagement qui conduit Diderot à renier, même de manière hypocrite, ce qu’il avait écrit dans les Pensées philosophiques : cela dit, Voltaire ne mesure sans doute pas à quel point, depuis son séjour au château de Vincennes en 1749, Diderot vit dans l’ombre de la Bastille.
*
L’échantillon très limité que l’on vient d’examiner ne prétend absolument pas être représentatif, même à l’échelle réduite de l’histoire des relations, affichées comme confraternelles, entre Voltaire et « Platon » : il n’en illustre pas moins quelques aspects de ce dialogue « complexe » et « retors » sur lequel Marie Leca-Tsiomis attirait « au passage » l’attention. Le discours de Voltaire, dans chacun des cas, met en jeu la question fondamentale d’une stratégie de diffusion des Lumières prise en charge par un « homme de lettres » – au sens où l’Encyclopédie est l’émanation d’une « société de gens de lettres » – qui prend les traits militants du « philosophe », censé avoir à cœur de servir la bonne cause.
Se trouve pointée, d’abord, la manière dont parler d’Épicure doit, dans une perspective que l’on dirait de nos jours actualisante, permettre de parler des Lumières, ce qui induit un processus de réappropriation d’une figure historique de l’histoire de la philosophie : si le Dictionnaire raisonné est pensé, selon les termes mêmes de l’auteur de l’article ENCYCLOPÉDIE (1755), comme « la tentative d’un siecle philosophe [34] », c’est (d’abord ?) parce qu’elle est une entreprise militante destinée à transmettre une philosophie non seulement compatible avec, mais utile aux combats des « philosophes ». Cet objectif étant partagé [35], les dissonances observées, peut-être révélatrices de divergences plus profondes, portent sur les moyens de l’atteindre voire sur le contenu idéologique même des Lumières qu’il s’agit de promouvoir. Sur le volet de la dimension potentiellement retorse des discours, on peut en particulier se demander si les réticences de Voltaire, apparemment motivées par un positionnement newtonien (en veut-il à Newton ?), n’expriment pas celles que pourrait susciter, à la fin de l’article, l’inscription du nom de Voltaire, certes au titre des « sectateurs du luxe, de l’élégance, de la politesse », « des vertus, des lettres & de la volupté », mais aussi « de la philosophie », dans une « secte épicurienne » qui « n’a jamais eu plus d’éclat qu’en France », il est vrai « sur-tout pendant le siecle dernier » [36]. Au vu de ce que Diderot expose de la doctrine d’Épicure, une telle affiliation n’est-elle pas compromettante pour un déiste qui ne franchit jamais, du moins dans ses discours publics, le pas qui consisterait à se reconnaître des accointances avec le matérialisme ? À moins qu’il ne soit guère agréable à celui qui entend se poser en figure de proue de la « philosophie » conquérante la plus actuelle de se voir affilié à une tradition de pensée du « siecle dernier ». Dans l’exemplaire de Voltaire, un signet est placé entre les pages incluant ce passage : il ne comporte malheureusement aucun texte susceptible d’expliquer les raisons de sa présence [37].
Les deux exemples étudiés concernent en outre des articles publiés dans l’Encyclopédie avant l’interdiction de 1759, qui place de facto l’entreprise dans une situation de relative clandestinité mais surtout – tel était aussi le calcul de Malesherbes – la dispense de l’examen préalable de censeurs. C’est dire que l’auteur de ces articles doit (encore) composer avec la censure, qui connaît un regain de vigilance après la suppression, en 1752, des premiers volumes du Dictionnaire raisonné. En 1764, lorsque paraît la première édition du Dictionnaire philosophique, l’étonnement de Voltaire (veut-il rire ?), qui porte sur la stratégie rhétorique de Diderot, n’en est que plus étrange, notamment au vu des échanges qui ont eu lieu avec D’Alembert en 1757 : « Vous avez des articles de théologie et de métaphysique qui me font bien de la peine », déclarait Voltaire le 24 mai, non sans ajouter que « ces petites orthodoxies » sont rachetées « par tant de beautés et de choses utiles qu’en général le livre sera un service rendu au genre humain » [38]. La réponse était pourtant sans équivoque : « Sans doute nous avons de mauvais articles de théologie et de métaphysique », rétorquait D’Alembert le 21 juillet, « mais avec des censeurs théologiens, et un privilège, je vous défie de les faire meilleurs. Il y a d’autres articles moins au jour, où tout est réparé. Le temps fera distinguer ce que nous avons pensé d’avec ce que nous avons dit » [39].
L’étonnement de Voltaire est même d’autant plus curieux de la part d’un praticien éprouvé de l’énonciation oblique [40] qui, dans de nombreux articles du Dictionnaire philosophique même, ne cesse de proclamer une foi on ne peut plus orthodoxe. Ainsi, entre bien d’autres exemples, de la manière de justifier, au début de l’article « Conciles », les contradictions sans nombre qui caractérisent les décrets de conciles « opposés les uns aux autres » alors que « tous […] sont infaillibles, sans doute » : « C’est pour exercer notre foi » [41]. La démarche est-elle si différente de celle qu’adopte Diderot, à la fin de l’article CERTITUDE, lorsque, après avoir salué une défense de la religion qui « résout » « les objections », il affirme que « l’évidence est sûre d’obtenir tôt ou tard un pareil triomphe sur les prestiges du sophisme » et que « le mensonge a beau souffler sur le flambeau de la vérité, loin de l’éteindre, tous ses efforts ne font qu’en redoubler l’éclat » [42] ?
Autant dire que, complexe, retors, le dialogue engendré, à l’initiative de Voltaire, par la manière dont les textes se répondent – dans ce dernier cas entre deux dictionnaires – paraît ici davantage s’apparenter à un dialogue de sourds, ou à un accès de mauvaise foi.
NOTES
[1] Marie Leca-Tsiomis, Écrire l’Encyclopédie. Diderot : de l’usage des dictionnaires à la grammaire philosophique, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century (désormais SVEC), no 375, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, p. 416.
[2] Raymond Naves, Voltaire et l’Encyclopédie, Paris, Les éditions des presses modernes, 1938.
[3] Voir Larissa L. Albina, « Voltaire lecteur de l’Encyclopédie », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie (désormais RDE), no 6, avril 1989, p. 119-129, et, dans une perspective centrée sur le corpus des notes marginales, Olivier Ferret, « Voltaire, lecteur de l’Encyclopédie », Revue Voltaire, n° 3, 2003, p. 79-99. Le relevé des traces de lecture laissées par Voltaire sur les exemplaires de sa bibliothèque, fruit des repérages d’une équipe de chercheurs et chercheuses soviétiques, est publié sous le titre : Corpus des notes marginales de Voltaire (désormais CN), Berlin/Oxford, Akademie-Verlag/Voltaire Foundation, 1979-2019, 10 vol. S’agissant de l’Encyclopédie, voir CN, t. 3 (1985), p. 360-417.
[4] La première occurrence relevée se trouve dans une lettre approximativement datée du 30 mars 1762 (D10397). La référence, comme les suivantes, renvoie à l’édition, par Theodore Besterman, de la correspondance de Voltaire : Correspondence and Related Documents, Les Œuvres complètes de Voltaire (désormais OCV), t. 85-135, Oxford, Voltaire Foundation, 1968-1977. Sur le recours à la phraséologie chrétienne pour désigner une anti-Église voltairienne, voir l’article fondateur de José-Michel Moureaux, « Voltaire apôtre : de la parodie au mimétisme », Poétique, no 66, avril 1966, p. 159-177.
[5] Dans l’exemplaire de la Bibliothèque de Ferney, une « main inconnue », selon la formule employée par les éditeurs et éditrices du Corpus, indique sur un signet « lisez cet article / des conciles p/807 » (CN, t. 3, p. 382) – ce que Voltaire, lui-même auteur d’un article « Conciles » (1767) dans le Dictionnaire philosophique, a très certainement fait.
[6] Voltaire à D’Alembert, 5 avril [1766] (D13255 ; 66.18) : « Il y a un bon article de Hobbes dans l’Encyclopédie ». Pour la correspondance avec D’Alembert, on indique la référence dans l’édition Besterman de la correspondance de Voltaire et dans l’inventaire de la correspondance de D’Alembert établi par Irène Passeron, avec la collaboration d’Anne-Marie Chouillet et de Jean-Daniel Candaux (Œuvres complètes, vol. V/1, Paris, CNRS Éditions, 2009).
[7] Voltaire note, de sa main, sur un signet : « menace / article / curieux » (CN, t. 3, p. 405). Faute d’autre témoignage, on ignore cependant quelle serait la nature de cette curiosité.
[8] Enc., t. V, p. 781b-782a.
[9] À la suite d’une maladresse éditoriale, le texte de la note rédigée par Voltaire ne figure pas dans le Corpus, qui n’indique que les traits en marge du passage. Le signet placé entre les pages 782 et 783 signale pourtant, au crayon, la présence d’une « note marg » (voir CN, t. 3, p. 392, n. 422).
[10] La question est peut-être plus complexe encore si l’on considère que dans cet article, comme dans bien d’autres articles d’histoire de la philosophie, Diderot met à contribution, ainsi qu’il l’indique dans les sources mentionnées à la fin du texte (« Voyez Brucker, Gassendi, Lucrece, &c. »), l’Historia critica philosophiae de Brucker. Seule l’édition critique qui sera publiée sur le site de l’ENCCRE pourra permettre d’identifier ces emprunts, en particulier dans le passage incriminé.
[11] Enc., t. I (1751), p. 514a.
[12] Sauf erreur, aucune lettre de la correspondance connue, ni aucun des écrits de Voltaire n’évoque ce passage de l’article de Diderot.
[13] En particulier dans la Treizième Lettre : voir Lettre sur M. Locke, éd. Antony McKenna et Gianluca Mori, OCV, t. 6c (2020).
[14] La critique des miracles repose sur la contradiction entre les lois de la nature et des événements qui en constituent la violation, quand bien même ils seraient rapportés par des « hommes animés de l’esprit divin » : voir, par exemple, l’article « Miracles » (1764) du Dictionnaire philosophique.
[15] Enc., t. VIII (1765), p. 224a ; Œuvres alphabétiques (I), éd. Jeroom Vercruysse, OCV, t. 33 (1987), p. 178-179.
[16] Voltaire à D’Alembert, 28 décembre 1755 (D6655 ; 55.25).
[17] Sur la réception de cet article, comparable à celle de Voltaire, par un souscripteur anonyme de l’Encyclopédie, voir Jean Haechler et Françoise Jouffroy-Gauja, « L’article certitude de l’Encyclopédie commenté par un souscripteur anonyme », RDE, no 29, octobre 2000, p. 129-148.
[18] Enc., t. VIII, p. 224a ; OCV, t. 33, p. 179.
[19] Dictionnaire philosophique, éd. sous la direction de Christiane Mervaud, OCV, t. 35 (1994), p. 512.
[20] OCV, t. 36 (1994), p. 231, 232.
[21] Richard N. Schwab, Walter E. Rex et John Lough, Inventory of Diderot’s Encyclopédie, SVEC, no 80, 83, 85, 91, 92, 93 et 223, Oxford, Voltaire Foundation, 1971-1984.
[22] Enc., t. II (1752), p. 851a. Voir Diderot, Pensées philosophiques, Œuvres philosophiques, éd. Paul Vernière, Paris, Garnier Frères, 1964, p. 37.
[23] Voir Le Tombeau de la Sorbonne, éd. Olivier Ferret, OCV, t. 32b (2007), Appendice I, p. 313-353 ; et Nicholas Cronk, « La première édition du Tombeau de la Sorbonne (1752) », Revue Voltaire, no 10, 2010, p. 203-210. La même année, l’abbé de Prades et l’abbé Yvon avaient publié une Apologie de M. l’abbé de Prades (Amsterdam [Berlin], 1752), et Diderot une Suite de l’apologie de M. l’abbé de Prades : voir Œuvres complètes, éd. Roger Lewinter, Paris, Le Club français du livre, 1969-1973, 15 vol., t. 2, p. 603-666.
[24] Voir Marie Leca-Tsiomis, « La bataille de la publication », Histoire de l’entreprise, sur l’ENCCRE.
[25] J. Haechler et F. Jouffroy-Gauja, « L’article certitude de l’Encyclopédie commenté par un souscripteur anonyme », art. cité.
[26] Cité par John Lough, Essays on the Encyclopédie of Diderot and D’Alembert, London, Oxford University Press, 1968, p. 266-267.
[27] « It is difficult for the modern reader not to share this scepticism about the sincerity of the conclusion which Diderot penned for the article certitude » (ibid., p. 267).
[28] Au sens défini par Élisabeth Bourguinat, Le siècle du persiflage, 1734-1789, Paris, PUF, 1998.
[29] Enc., t. II, p. 862a.
[30] L’image est employée par John Lough, qui l’exprime dans une formule percutante : « the article certitude […] consists of an introduction and conclusion by Diderot with an article by De Prades sandwiched in between » (Essays on the Encyclopédie of Diderot and D’Alembert, ouvr. cité, p. 266).
[31] OCV, t. 35, p. 512.
[32] Selon le Dictionnaire de l’Académie (éd. 1762), « on dit figurément & proverbialement […] d’Un homme qui se ménage entre deux partis opposés, qu’Il donne une chandelle à Dieu, & une au diable ».
[33] Voltaire à D’Alembert, 25 avril [1760] (D8872 ; 60.05).
[34] Enc., t. V, p. 644va. Voir Marie Leca-Tsiomis, Annotation et dossier critique de l’article ENCYCLOPÉDIE, (Philosoph.) sur l’ENCCRE. DOI
[35] La formule de Diderot, précédemment citée, suscite a contrario les sarcasmes de Fréron ; voir la « Lettre de M. de *** à M. Fréron sur le mot ENCYCLOPEDIE du Dictionnaire qui porte ce nom », L’Année littéraire, 1760, t. III, p. 243-266 : « Un siècle Philosophe a pu vous choquer ; vous n’oseriez hazarder un siècle poëte, un siècle orateur, des connoissances philosophes ; vous vous en tiendriez platement à l’analogie qui demanderoit un siècle philosophique, parce que l’usage veut qu’on dise des connoissances philosophiques & non philosophes, un siècle poëtique & non poëte. Mais ce sont de ces libertés que le transcendant Editeur de l’ENCYCLOPEDIE peut se permettre, sans qu’on doive s’en étonner. » (p. 253)
[36] Enc., t. V, p. 785b.
[37] CN, t. 3, p. 392.
[38] Voltaire à D’Alembert, 24 [mai 1757] (D7267 ; 57.15).
[39] D’Alembert à Voltaire, 21 juillet [1757] (D7320 ; 57.19).
[40] Voir Pierre Rétat, « Le Dictionnaire philosophique de Voltaire. Concept et discours du dictionnaire », RHLF, no 81, 1981, repris dans Marie-Hélène Cotoni (dir.), Voltaire/Dictionnaire philosophique, Paris, Klincksieck, 1994, coll. « Parcours critiques », p. 177-184, ici p. 183.
[41] OCV, t. 35, p. 614-615.
[42] Enc., t. II, p. 862a.