L’article RETENTIR, RETENTISSEMENT, (Gram.) : pour un essai de lecture

 

RETENTIR, v. n. RETENTISSEMENT, s. m. (Gram.) continuité d’un son & de ses harmoniques dans un lieu concave ; les cavernes retentissent ; les forêts retentissent ; les appartemens retentissent ; un instrument touché en fait retentir un autre. Il s’exerce dans l’air des ondulations telles que nous les voyons se faire dans l’eau par la chûte d’un corps ; elles se prolongent en tous sens sans s’interrompre ; & sans cette propriété, peut-être pour s’entendre faudroit-il attendre que l’atmosphere fût stagnant & tranquille ; mais grace à la continuité ininterrompue des ondulations en tous sens, tous les sons arrivent à nos oreilles, non arrêtés, non confondus. On peut mettre la masse de l’air d’un appartement en ondulations en chantant tout bas un air ; cet air chanté ne sera aucunement entendu de ceux qui sont dans l’appartement ; cependant ils en seront assez sensiblement affectés pour être déterminés à chanter le même air, s’ils le savent, & s’il leur prend envie de chanter ; on prétend que c’est un fait constaté par quelques expériences qui mériteroient bien d’être réitérées. (Encyclopédie, vol. 14, 1765, p. 202a.)

Mise en abyme

Deux citations de Diderot choisies à dessein hors de l’Encyclopédie peuvent introduire à la lecture de cet article. Les points de vue qu’elles expriment devraient permettre d’éclairer la démarche d’un texte étonnamment concis en sa logique. Elles verseront peut-être, si nécessaire, des arguments supplémentaires à l’identification de son auteur.

La raison ? c’est que nous les [nos sensations] discernons en grande partie. Si cette infinie diversité de toucher n’existait pas, on saurait qu’on éprouve du plaisir ou de la douleur mais on ne saurait où les rapporter. […] Ce ne serait plus une affaire de sensation : ce serait une affaire d’expérience et d’observation [1].

Il semble que la Nature se soit plu à varier le même mécanisme d’une infinité de manières différentes [2].

Ces deux citations qui conjuguent notre connaissance réfléchie avec nos émotions, voire nos émotions esthétiques, ont aussi en commun avec l’article le recours plus ou moins implicite à une forme d’anonymat. Certes la première met en scène les personnalités de la société que Diderot côtoie pour un texte qu’il ne publie cependant pas [3] mais qui circule parmi ses contemporains. La seconde provient d’un ouvrage quant à lui publié, mais sans nom d’auteur.

Quelle valeur accorder à ces propos en quelque sorte pensés dans l’absolu mais abandonnés à leurs seuls retentissements ? Ne marquent-ils pas une certitude d’inconnaissance, d’approximation dans ce que nous pensons connaître, comprendre, ressentir ?

Au-delà de toute dimension auctoriale, ces pages ne manifestent-elles pas la curiosité insatiable de Diderot face à l’ordre à la fois lisible et illisible de la création et aux débats qui en dépendent ? Ne montrent-elles pas à quel point combien le penseur s’inquiète moins de revendiquer ses découvertes que d’en formuler les ambivalences ou les paradoxes ? Car le philosophe des lumières n’est réellement présent que lorsqu’il rend compte de l’inépuisable richesse des objets qu’il observe. Il s’agit en quelque sorte d’en figurer la stature, dessiner la surface et révéler jusqu’à l’impénétrabilité en entrant dans un élan d’inspiration et de raison. Diderot jouit de l’apparent éloignement du propos strict et de la classification sèche à l’avantage de la multiplication ludique des points de vue qu’il suscite. Le rôle de l’homme d’esprit est d’alerter la société sur l’irréductible subtilité polyphonique de ce qui constitue l’expérience du vivant. Cela implique un jeu permanent de relativité et de rapports de proportions dans l’écriture et dans la conduite de la pensée ou dans l’organisation de l’observation. Ce jeu de l’acuité et de la convergence des facultés suffit à lui acquérir une postérité assurée : « Et je dis heureux le géomètre en qui une étude consommée des sciences abstraites n’aura point affaibli le goût des beaux-arts. […] qui saura découvrir les propriétés d’une courbe et sentir les beautés d’un poète. […] Il ne se verra point tomber dans l’obscurité ; il n’aura point à craindre de survivre à sa renommée [4] » !

Pour conclure sur ces rapprochements, disons que les lignes évoquées, si mesurées dans leur quête d’exactitude, si sobres dans leur formulation signalent aussi en leur clairvoyance et leur insistance une aptitude plus concrète voire plus incarnée de leur auteur. Elles expriment son amour hédoniste de la vie. Car, par-delà la question du mystère scientifique du vivant et de ses manifestations, Diderot ne tend-il pas à travers son approfondissement raisonné, à célébrer sa conscience de vivre ? Parallèlement à la méthode d’observation et d’analyse qu’il déploie pour rétablir les rapports parfois improbables qui unissent les effets à leurs causes, il met aussi en œuvre une audace non dénuée de prudence à braver les idées reçues, les convenances arrêtées. Il joue à construire un dialogue complexe, parce qu’intime, de l’homme avec le monde, de l’homme avec la société, de l’homme enfin avec lui-même ; un dialogue dont l’aspect clandestin ou saugrenu peut parfois renforcer l’énergie et sans confusion aucune alors simplement… retentir.

I Contours et impressions

Un article isolé. Quel statut ?

L’article donne à apprécier la position intellectuelle si particulière que tient Diderot au sein de la société de gens de lettres qui participent à l’entreprise de l’Encyclopédie. Il révèle aussi comment dans la durée Diderot doit admettre des amendements à ses principes tout en devenant de plus en plus lui-même. Il est, comme on sait, abandonné par D’Alembert et contraint à l’anonymat à partir de la publication du volume X (1765). Si sa personnalité lui a toujours valu d’être une voix étincelante d’esprit, elle se prête aussi aux ouvertures de cet anonymat forcé jusqu’à se faire en apparence impersonnelle. Dans le cas de l’article certains faits viennent encore renforcer ces dispositions. Au sein de la conversation encyclopédique le couple « retentir, retentissement » se trouve par les hasards de l’ordre alphabétique [5] placé dans une véritable situation d’isolement. Aucun renvoi n’est en outre proposé par l’auteur pour rompre cette forme de solitude. Aucun fil n’est tendu vers d’autres termes appartenant pour leur part au même champ sémantique, ce qui pourtant est l’un des principes de l’ordre encyclopédique. La chaîne est donc en quelque sorte ici sinon rompue, délaissée [6] ! C’est à un autre réseau que l’article se rattache, celui qu’il revient au lecteur d’établir. Le retentissement serait-il un mot volontairement détaché de l’ensemble sémantique dont il procède ?

À quelle fin tend cette singularité ? Pourquoi une telle mise en marge d’un domaine qui suscite par ailleurs tant d’intérêt et de débats ? L’auteur inscrit-il son article dans un réseau d’affinités secrètes, celles qu’on ne dit pas car elles sont affaire de sensibilité, et comme telles, étrangères à toute lignée désignée ? Pourtant le domaine d’investigation de la « philosophie expérimentale [7]», auquel Diderot souscrit au moment où il inaugure avec D’Alembert le chantier gigantesque de l’Encyclopédie, reste bien perceptible dans l’article qui se conforme aussi aux affirmations posées dès le Prospectus des missions que peuvent désormais assurer les sciences. Qu’est-ce qui justifie, par conséquent, l’indépendance de l’article ? Serait-ce l’état perfectionnée d’intelligibilité de la langue française[8] qui l’affranchit du chaînage ailleurs recommandé et qui devient suffisant à lui-même ?

Et si le choix de Diderot procédait, outre de la prudence indispensable à une édition clandestine, d’une étape de sa pensée ? Si la décision provenait d’un silence devenu nécessaire. Une forme de justification issue du dialogue devenu compliqué au fil des années entre certains de ses brillants collaborateurs, parmi lesquels il faut principalement nommer D’Alembert et Rousseau. Sorte d’ellipse créée justement pour ne plus laisser entendre que le retentissement des idées, des principes, des lois et des émotions. Car à l’approche de la fin des années 1750 Diderot ne peut plus éviter d’avoir avec ses collaborateurs des différends qui deviennent en 1765 des ruptures. Dès lors quand bien même le mot « retentissement » suscite un article fidèle à une subtile objectivité, il revêt aussi une signification plus particulière, plus distanciée de ce qu’acquiert la maturité de Diderot. Il ouvre une incroyable diversité de pistes de lecture sur la société du temps et sur les efforts entrepris par son auteur présumé pour en dépasser ou en transcender les implacables limites. Le traitement du mot, aussi discret soit-il, désigne aussi une autre voie, et libère une autre voix. Sur ce chemin de traverse Diderot déborde du partage qui a été fait et annoncé dans le « Discours préliminaire » et qui lui-même n’a plus sa validité. Que l’auteur de la Lettre sur les sourds et les muets (1751) s’accorde à définir les enjeux du « Retentissement », lui permet de s’inscrire dans une perspective aussi intéressante que négligée sans empiéter sur les territoires scientifiques et musicaux distribués. Ceci explique peut-être les choix que l’auteur a alors faits dans la construction de son texte. N’y évite-t-il pas les redites savantes de ses confrères et ne laisse-t-il pas de possibles rapprochements volontairement en suspens ?

Allégorie, métonymie et parabole ?

Si l’article traite a priori d’un phénomène naturel, il propose aussi en filigrane la tentation discrète d’une possible allégorie de ce que l’effervescence encyclopédique peut également induire : ce dont elle bruit et retentit. Puis par métonymie l’article peut encore devenir une appropriation du tumulte – au sens de désordre [9] – qu’engendre les retombées des énergies déployées par l’entreprise même de cet ouvrage immense. Un désordre comparable par opposition à ce faux souhait d’ordre que suppose l’article et par lequel tout serait indiscernable : « peut-être pour s’entendre faudroit-il attendre que l’atmosphere fût stagnant & tranquille » ? suggère-t-il.

Un désordre qui a néanmoins sa place légitime et qui demeure au fond déchiffrable, même si on le dissimule et on cherche à le rendre acceptable par sa double méthode de classement et de réflexion. Selon quoi l’article s’apparente enfin aussi à une sorte de parabole sur l’Encyclopédie. L’Encyclopédie n’est-elle pas en effet comparable à cette onde retentissante dont « tous les sons arrivent à nos oreilles, non arrêtés, non confondus. » ? Car si le retentissement, ce sur quoi insiste la fin de l’article, se manifeste aussi comme un phénomène particulier de reprise d’un refrain connu, le lecteur est en droit de se demander – et l’opinion critique ne s’en est pas privée –, quelle est cette action qui résulte des voix multiples, de ce concert de savoirs et d’idées ? Quel va-t-être son retentissement ?

Enfin, parce que le retentissement ne peut se produire que dans la configuration d’un espace concave – « continuité d’un son & de ses harmoniques dans un lieu concave » – ne peut-on pas, toujours en transposant le phénomène naturel du retentissement des cavernes à celui de l’entreprise humaine de l’Encyclopédie, se demander si l’Encyclopédie n’a pu éclore en son temps qu’en fonction d’un espace social et politique qui en favorisait par sa configuration les essors ? Les lieux des salons mais aussi des cafés, ces cavernes et ces forêts devenus appartements et lieux de musique entretiendraient en ce cas les énergies, les provoqueraient même. En ce sens l’Encyclopédie elle-même serait le retentissement produit par un dispositif que l’état d’avancement de la culture rendrait enfin possible. L’Encyclopédie accèderait à l’expression de vérités que ces mêmes espaces libèreraient « naturellement », comme à leur insu. La France de Louis XV, même si peut-être à ses dépens, n’offre-t-elle pas à ses contemporains attentifs, l’indispensable foyer favorable à l’expression claire de toutes les voix ? Des voix affectées par une mémoire et déterminées à chanter à leur tour les paroles d’une chanson plus ancienne dont elles deviennent non pas l’exact reflet, mais un reflet teinté d’un esprit critique, sinon d’une mélancolie mémorielle. Car n’est-ce pas bien à l’effet rétroactif du retentissement que Diderot fait allusion dans la fin de son article, lorsqu’il explore l’action déterminante de son empreinte sur l’homme ? N’est-ce pas dans ce même temps que Voltaire entreprend d’écrire pour ses contemporains Le siècle de Louis XIV [10] cet ouvrage qui connaît alors, comme en atteste les nombreuses rééditions, un très fort retentissement ? Il faut en effet demeurer attentif à l’importance primordiale – car c’est le premier terme de la définition – de la notion de « continuité » posée en préalable au retentissement : « continuité d’un son & de ses harmoniques dans un lieu concave ».

L’homme, individu et société dans la complexité du monde

C’est ainsi qu’entre ses connaissances et ses interrogations, Diderot cherche en quoi le retentissement rend compte de la relation de l’homme à l’univers. Le philosophe envisage d’aborder la question selon diverses échelles, cherchant à retrouver en quelque sorte les sons fondamentaux à l’origine des harmoniques qui le préoccupent. Il passe ainsi par « l’impossibilité de bien connoître quelques parties de ce tout, sans remonter ou descendre à beaucoup d’autres [11] », soit d’une définition en grand (que l’on pourrait dire diffuse) de l’objet, à une mesure plus individualisée, plus précise dans son aspect de détail et d’expérience particulière. Animé du désir d’établir ce que représente en manière de ressenti et d’expérimentation intime la place de l’individu dans l’agitation de la société, Diderot s’autorise la transposition par mimétisme de l’aspect du modèle du retentissement naturel relativement anonyme à celui du jeu social.

Il va jusqu’à l’étudier dans ses oppositions de rapport de force ou d’autorité entre diffuseur et récepteur. Fort de cette observation, il laisse entendre comment les nouveaux savoirs ne font que mesurer la part insondable d’inconnu qui subsiste. Il désigne l’inépuisable énigme que le monde créé pose à nos moyens de perception et d’élucidation. Ce que l’on perçoit comme un retentissement ne serait-il pas une part que nous jugeons obscure en l’état de nos facultés, alors qu’il s’agit en réalité de la part d’un objet parfaitement clair ? Pensons sur ce point de vue aux quelques échanges dans le Neveu de Rameau entre Lui et Moi au sujet des sources d’intelligibilité du chant et à celui de nos intuitions face au mystère de la création que cette dernière soit naturelle ou artistique :

Moi – Tout art d’imitation a son modèle dans la nature. Quel est le modèle du musicien, quand il fait un chant ?

Lui – Pourquoi pas ne pas prendre la chose de plus haut ? qu’est-ce qu’un chant ?

Moi – Je vous avouerai que cette question est au-dessus de mes forces. Voilà comme nous sommes tous, nous n’avons dans la mémoire que des mots que nous croyons entendre par l’usage fréquent et l’application même juste que nous en faisons ; dans l’esprit que des notions vagues […]

Lui – Le chant est une imitation, par les sons, d’une échelle inventée par l’art ou inspirée par la nature, comme il vous plaira, ou par la voix ou par l’instrument, des bruits physiques ou des accents de la passion, et vous voyez qu’en changeant là dedans les choses à changer, la définition conviendrait exactement à la peinture, à l’éloquence, à la sculpture et à la poésie. Maintenant, pour en venir à votre question, quel est le modèle du musicien ou du chant ? C’est la déclamation, si le modèle est vivant et pensant ; c’est le bruit, si le modèle est inanimé [12].

Par où il semble que la musique procède de l’attention particulière du compositeur au retentissement du monde, monde extérieur, comme aussi monde intérieur, imperceptible pour ce dernier à d’autres individus.

II Les convictions de Diderot

De quelques détails factuels

Reprenons l’organisation de ce jeu d’emboîtements qui observe, analyse et définit son objet, entre certitudes et interrogations. Le texte procède en trois temps fondus en une seule respiration, mais pourquoi ne pas dire en trois ondes !

Après l’impact de ce que l’on sait et qui crée la première onde – « continuité d’un son & de ses harmoniques dans un lieu concave » –, formulation qui synthétise et paraphrase le Dictionnaire universel de Furetière[13], la phrase se combine ensuite avec la réflexion et fait glisser le domaine naturel du retentissement du côté des mimétismes humains. C’est la deuxième onde dans le sillage de la première mais qui en étend l’observation autant qu’elle la théorise. Elle révèle la faculté de l’homme à reproduire à son tour les conditions du retentissement et à pouvoir aussi en diversifier les possibilités. L’intelligence physique acquise des modèles que lui fournit la nature se combine alors avec son imagination créatrice. C’est à partir de ce moment du texte que Diderot peut exposer les règles du retentissement. Enfin, par le rapprochement avec des remarques et des spécificités plus dirigées, l’auteur pose un constat expérimental qui ouvre lui-même une perspective. C’est la dernière onde. Par ce jeu de distinction et de signalement Diderot configure en outre la marche de son texte au phénomène complexe des ondes sonores qui « se prolongent en tous sens sans s’interrompre. »

Des préalables jusqu’à l’interrogation finale apparaissent en manière de transition des remarques instructives déjà évoquées sur le passage des éléments naturels aux éléments fabriqués par l’homme. Il est bon de remarquer comment le philosophe, quand bien même il conduit une manière de crescendo dans son texte, n’établit à aucun moment l’idée d’une quelconque hiérarchie entre les informations qu’il donne. Il poursuit simplement la logique d’approfondissement du processus dont il veut donner la meilleure analyse et le cheminement le plus cohérent. On doit apprécier que même lorsque l’article s’apparente à une recherche d’exhaustivité, c’est davantage peut-être la multiplicité des dispositifs du retentissement qui est mise en avant afin de ne pas négliger l’effet de permanence du retentissement et de ses harmoniques qu’attestent l’observation et l’expérience. Ce point de vue sur la déduction raisonnée face aux sources s’apparente à la méthode que Diderot a déjà décrite au chapitre vii des Pensées sur l’interprétation de la nature :

Tant que les choses ne sont que dans notre entendement, ce sont nos opinions ; ce sont des notions qui peuvent être vraies ou fausses, accordées ou contredites. Elles ne prennent de la consistance qu’en se liant aux êtres extérieurs. Cette liaison se fait ou par une chaîne ininterrompue d’expériences, ou par une chaîne ininterrompue de raisonnements qui tient d’un bout à l’observation, & de l’autre à l’expérience ; ou par une chaîne d’expériences dispersées d’espace en espace entre des raisonnements, comme des poids sur la longueur d’un fil suspendu par ses deux extrémités. Sans ses poids, le fil deviendroit le jouet de la moindre agitation qui se feroit dans l’air [14].

Lorsque la péroraison de l’article interroge avec une autorité intuitive, mais fondée l’impact que peut exercer le phénomène acoustique du retentissement sur les déterminations qui poussent l’homme à agir, le texte passe à un renversement du point de vue. Diderot prend son point d’observation comme à rebours. Il s’est tourné vers les constructions des hommes afin de prouver comment le retentissement dans la société représente une force possible d’aliénation, de conditionnement et aussi d’émulation. On peut certes par ce retournement d’objectif supposer les messages sous-jacents que l’imagination peut aussi déceler dans le retentissement. Les bruits premiers que la nature elle-même murmure à l’oreille de l’humanité comme une musique permanente ne sont-ils pas ceux que seul le poète sait écouter au point de pouvoir les délivrer de leur silence et en faire des chants ? Mais dans cet ultime passage c’est peut-être surtout une préoccupation de l’époque qui transparaît, et c’est au philosophe de lui donner forme.

De la nature à la civilisation que subsiste-t-il en effet d’une juste continuité, d’un juste emploi des propriétés données ? Qu’en est-il de l’imitation [15] ? Quelle cohérence inattendue persiste à notre insu peut-être entre ce que l’objet premier suggère à l’objet second, cette réplique faite des artifices dont l’homme a l’ambition d’être l’inventeur ? Le retentissement ne doit-il pas sans fin ramener l’homme à découvrir d’autres perspectives sur l’ignorance qu’il a de lui-même quand il se pense savant ? Le retentissement que la culture suggère ne place-t-il pas l’individu dans un possible état de manipulation ? Face à notre méconnaissance de l’autorité du phénomène en soi, l’homme se pense créateur mais n’est-il pas simplement répétiteur ? Le génie de l’homme reste, en dehors de toute démarche volontaire, tributaire ou dépendant de celui de la création, et dans la société, l’individu n’est que le singe de ce qu’on lui a appris sans qu’il ne le sache plus vraiment.

Par où l’on voit comment le retentissement s’inscrit dans une infinité de liaisons dont l’homme est loin de saisir toutes les relations. Diderot attentif à Buffon met de façon surprenante son lecteur en face du rapport action-réaction des énergies entre-elles, ce qui relativise l’autorité de l’humain.

La dynamique d’approche que construit le philosophe invite ainsi le lecteur à méditer et à s’interroger sur ses propres expériences. Il le conduit à réfléchir sur ce qui de ses émotions non élucidées ou des conditionnements imperceptibles qu’il subit peut aller jusqu’à désigner, par la mémoire, les sources inaperçues de ses actes. L’homme qui se pense libre n’est-il pas lui aussi un instrument concave à l’image de ces « cavernes [qui] retentissent » ? N’est-il pas dans le jeu social ni plus ni moins cause et effet, véritable instrument, ou matériau procédant d’un retentissement général ? Les relations d’influence entre les hommes ne sont-elles pas de l’ordre d’une manipulation discrète, d’un ascendant inexpliqué à l’image d’un retentissement murmuré, occasionnel, voire même peut-être constant ? Ces relations ne sont-elles pas enfin l’occasion d’un concert qui nous échappe le plus souvent mais qui a bien lieu ?

L’observateur Diderot a un esprit aiguisé. Il scrute ainsi les diverses faces du phénomène aussi bien dans sa réalité immédiate que dans ses répercussions en somme indirectes. C’est donc selon ce double principe que l’esprit analytique en quête de l’exactitude des choses construit en Diderot le savant, tandis que son esprit de philosophe le pousse à réfléchir sur un rapport plus mystérieux. Le goût de Diderot pour les sciences de la nature se double donc d’une préoccupation ontologique, mais s’associe également à un goût pour les arts.

Comment l’écriture peut-elle rendre compte du retentissement ?

Du sein de ces déductions savantes, se pose en parallèle la question pratique de leur expression. Par quel moyen assuré peut-on rendre compte des filiations qui président à notre perception du monde ?

La langue écrite réussit-elle à exposer la complexité des liaisons qu’entraîne un phénomène sonore, tant il s’agit d’une complexité double ? Car l’homme dans le temps où il perçoit le son est aussi assailli de réactions émotionnelles. Un tel retentissement demande à celui qui veut en donner la définition de trouver une forme qui ne trahisse pas le fond. C’est ainsi à un autre aspect de la complexité de la personnalité de Diderot philosophe que l’on touche, celle de Diderot écrivain. Il s’agit pour lui de ne pas oublier dans l’acte d’écrire la place moins de l’art comme on le penserait peut-être aujourd’hui que de la poésie comme il le pense à l’époque. Or la poésie ne saurait paraître sous une autre forme que celle d’une force libre, originale, sorte de puissance sensitive accordée à l’exercice du comportement scientifique et à l’enthousiasme qu’il peut suggérer. On rencontre cette volonté de complémentarité qui a aussi, dans son élégance, quelque chose de ludique dès les Mémoires sur différens sujets de mathématiques (1748), même si ces textes obéissent à une construction fondée sur l’esprit de démonstration [16]. Cette préoccupation, pour certaine qu’elle soit, doit cependant demeurer secrète, non pathétique. C’est de cette forme d’effacement que procède l’autorité de l’expression juste et de sa quête de l’universel. C’est aussi le principe que défend le Paradoxe sur le comédien. Diderot se refuse dans son écriture à rechercher des effets de style, ce qui enfermerait dans des conventions la liberté de l’expression. Il s’insurge contre les emportements de sensiblerie. Le texte à écrire ne peut qu’être issu d’une pensée toujours première en sa rigueur et en son organisation, mais qui n’est pas indifférente en sa formulation à la finesse d’ajustement de son habit, autre manifestation d’une pensée à la sagacité éprouvée. L’écriture doit s’efforcer de créer l’illusion d’une transparence édifiante apte à faire consentir le lecteur aux contradictions apparentes et à dégager l’énergie vitale, comme un flux d’unification, comme une onde au parcours complet. L’écriture doit se faire la voix d’un savoir qui se sait quant à lui incomplet. Or cet enjeu tour à tour de décomposition, ou de déconstruction du phénomène du retentissement, puis de regard distancié sur la globalité de sa réalité, méthode qui doit elle-même s’effacer dans l’efficacité de sa réalisation, est longuement annoncé dans l’article ENCYCLOPÉDIE. Là où Diderot prend le temps de réfléchir en quelque sorte à voix haute sur la manière qui incombe à son époque de perfectionner le langage, jusqu’à inventer une langue critique. Il n’est plus alors question pour lui d’exposer la description détaillée d’un phénomène quel qu’il soit ; mais tout en rendant compte de ce qui en fonde le principe de désigner les applications cachées qui en découlent sans pour autant entrer dans le registre froid de l’abstraction :

L’art de transmettre les idées par la peinture des objets, a dû naturellement se présenter le premier : celui de les transmettre en fixant les voix par des caracteres, est trop délié ; il dut effrayer l’homme de génie qui l’imagina. […] En un mot il y a une infinité de choses de cette nature que la peinture ne peut figurer ; mais elle montre du moins toutes celles qu’elle figure : & si au contraire le discours écrit les désigne toutes, il n’en montre aucune. Les peintures des êtres sont toûjours très-incompletes ; mais elles n’ont rien d’équivoque, parce que ce sont les portraits mêmes d’objets que nous avons sous les yeux. Les caracteres de l’écriture s’étendent à tout, mais ils sont d’institution ; ils ne signifient rien par eux-mêmes. […] Il y a la même incommensurabilité entre tous les mouvemens physiques & toutes les représentations réelles, qu’entre certaines lignes & des suites de nombres. On a beau augmenter les termes entre un terme donné & un autre ; ces termes restant toûjours isolés, ne se touchant point, laissant entre chacun d’eux un intervalle, ils ne peuvent jamais correspondre à certaines quantités continues. Comment mesurer toute quantité continue par une quantité discrete ? Pareillement, comment représenter une action durable par des images d’instans séparés [17]  ?

Diderot, homme de génie qui a mesuré avec effroi lors de la mise en œuvre de l’Encyclopédie l’œuvre qu’il osait entreprendre, n’est jamais plus lui-même comme penseur que lorsqu’il devient un incomparable écrivain. Il réussit alors à dépasser en effet l’inventaire de ses propres connaissances et de ses émotions pour guider le lecteur vers l’évidence énigmatique de l’insondable cohérence du monde créé [18].

III technique de l’ellipse

De la liberté d’ignorer les renvois

C’est ainsi que son article développe en un unique paragraphe de vingt-et-une lignes une pensée à la fois philosophique et sensible. « L’instrument philosophe est sensible, écrit-il dans le Rêve de D’Alembert, il est en même temps le musicien et l’instrument. Comme sensible, il a la conscience momentanée du son qu’il rend ; comme animal, il en a la mémoire [19]. »

L’article, dont le but est de donner une définition, dédaigne d’exposer par le menu, ainsi qu’on l’a dit, ce que d’autres articles, que Diderot passe sous silence, s’emploient à démontrer. L’écrivain se tourne vers la part de ce qui demeure lacunaire ou inconnu dans ce que l’on a déjà identifié. Il suit en cela la démarche du chancelier Bacon « Ce génie extraordinaire, [qui] dans l’impossibilité de faire l’histoire de ce qu’on sçavoit, faisoit celle de ce qu’il falloit apprendre [20]. »

Fort de cet argument Diderot ne se satisfait pas de penser la définition au sens rhétorique du mot, c’est-à-dire, selon la formule de Marmontel afin de donner une « explication courte et claire [21] ». Car même si Diderot est succinct dans ce qu’il expose, il ne l’explique pas. Il reprend des affirmations déjà acquises. De même, on ne le voit pas davantage suivre l’objectif de D’Alembert : « [Définir] c’est l’explication du sens, ou de la signification d’un mot ; ou, si l’on veut, une énumération de certains caracteres, qui suffisent pour distinguer la chose définie de toute autre chose [22]. » Car loin de ne pas énumérer, Diderot accumule au contraire les rapprochements. Il multiplie les fils d’un réseau. L’observation pourtant matérialiste dont il fait preuve ne se donne pas pour finalité d’aboutir à un constat fermé, ni à une collection de preuves irréfutables. Elle conduit au contraire le lecteur au seuil d’un questionnement émerveillé qui demeure sans réponse et incite à l’expérimentation. On pourrait dénommer « concave » cette façon de définir en l’opposant à l’ordonnancement plutôt « convexe » de la définition. Diderot en ce sens fait de la réceptivité de l’homme au monde un agent par excellence sensible au retentissement. Le paragraphe 69 de l’article ENCYCLOPÉDIE précise ce statut unique de prise de conscience de l’homme en tant que lui-même vis-à-vis des éléments naturels qu’il fait retentir et non taire et qui eux-mêmes, comme on l’a dit, le font retentir, le font entrer en retentissement. Diderot insiste sur la réciprocité d’enthousiasme et d’inspiration que l’individu entretient nécessairement avec ces vibrations ou impressions d’une sublime impénétrabilité [23]. La relation d’échange des procédés entre le modèle naturel et la conscience que l’homme en a est si complexe, que ce qui monte jusqu’à notre conscience procède d’une antériorité en somme inconsciente, ce pendant que ce qui est sonore peu secrètement agir de manière silencieuse. La fonction d’élimination, de disparition de la source est ce qui met en alerte la sensibilité de l’homme. Une sensibilité faite à la fois de pensée consciente et de contemplation sans laquelle la création n’aurait pas de saveur :

Une considération sur-tout qu’il ne faut point perdre de vûe, c’est que si l’on bannit l’homme ou l’être pensant & contemplateur de dessus la surface de la terre ; ce spectacle pathétique & sublime de la nature n’est plus qu’une scene triste & muette. L’univers se taît ; le silence & la nuit s’en emparent. Tout se change en une vaste solitude où les phénomenes inobservés se passent d’une maniere obscure & sourde[24].

Et Diderot poursuit :

C’est la présence de l’homme qui rend l’existence des êtres intéressante ; & que peut-on se proposer de mieux dans l’histoire de ces êtres, que de se soûmettre à cette considération ? Pourquoi n’introduirons-nous pas l’homme dans notre ouvrage, comme il est placé dans l’univers ? Pourquoi n’en ferons-nous pas un centre commun[25] ?

On comprend dès lors que les définitions sèches soient devenues suspectes à la plume de Diderot. L’absence dans l’article de renvois aux autres articles qui s’intéressent au sonore en offre un témoignage intéressant.

Les premiers mots, par exemple, de l’article ONDE rédigé par D’Alembert se focalisent sur l’idée visuelle à l’exclusion d’une application au domaine des sons [26]. « ONDE, s. f. en terme de Physique, est l’assemblage d’une cavité & d’une élévation sur la surface de l’eau ou de tout autre fluide. Voyez Fluide & Ondulation [27]. » Diderot parle quant à lui du retentissement en empruntant l’image des cercles sur l’eau.

L’article ECHO, (Physiq.) également de D’Alembert, mais assorti d’une remarque de Jaucourt, procède à l’opposé de l’approche que Diderot veut suggérer du retentissement. Or il est particulièrement intéressant en croisant l’article avec celui de Diderot de discerner les sources communes, les lectures identiques dont ils proviennent [28]. Il est également instructif de constater dans la partie de Jaucourt les rapprochements avec le réfléchissement de la lumière, phénomène qu’il nomme la « catoptrique du son ». Ainsi ces multiples démarches défendent des points de vue qui se complémentent pour qui parvient à les réunir. Les courts articles non signés « murmure » et « rumeur », quant à eux, ne peuvent pas interférer avec la recherche de Diderot quand bien même ils s’intéressent à l’aspect de « bruit sourd » qu’ils étudient.

Enfin l’article RESONNANCE, en musique que signe Rousseau livre encore un autre éclairage. S’il n’est pas davantage cité par Diderot c’est sans doute parce qu’il est orienté vers l’acoustique, voire la phoniatrie :

RESONNANCE, s. f. en Musique, c’est le son qui est réfléchi par les vibrations des cordes d’un instrument à corde [sic.], ou par l’air renfermé dans un instrument à vent, ou par les parois d’un corps sonore. Voyez Son, Musique, Instrument. Les voûtes elliptiques & paraboliques résonnent, c’est-à-dire, réfléchissent le son. Voyez Echo. Selon M. Dodart, la bouche & les parties qu’elle contient, comme le palais, la langue, les dents, le nez & les levres, ne contribuent en rien au ton de la voix, mais leur effet est grand pour la résonannce [sic.]. Voyez Voix.

Ces divers textes inspirés par la nécessité d’une description technique (Rousseau) et d’une analyse mathématique (D’Alembert) ou encore par une objectivité quasi abstraite (Jaucourt), omettent ce que le retentissement véhicule de puissance émotionnelle. Le rapport perception/réception/action de l’homme en butte aux phénomènes naturels, mais aussi de l’homme au sein des sociétés et dans les espaces civilisés qu’il se façonne en répliques aux modèles naturels – ce sur quoi Diderot donne à penser sans trop paraître y toucher –, ce rapport de continuité est en permanence au cœur de la question du retentissement, comme un tressaillement. La finalité de l’article est donc bien d’associer à une manifestation banale de ce que l’on perçoit, une mise en garde sur notre manque d’approfondissement de ce qui est, mais que l’on ignore trop. Telle est l’idée force qu’éveille, ou plutôt confirme, le phénomène en soi du retentissement. C’est sur ce point que Diderot veut conduire le lecteur.

***

Sans la formuler directement Diderot pose une question : l’être humain serait-il lui-même à la lumière « des cavernes, des forêts, des appartemens » un récepteur concave appelé tel un instrument à contribuer à un concert, ou plus exactement, appelé puisque « un instrument touché en fait retentir un autre », à retentir dans le retentissement universel ?

L’analogie sur laquelle Diderot conclut son article lie le retentissement naturel et la perception inconsciente du chant énoncé à voix basse. Elle dévoile les multiples retombées de la réceptivité humaine. Cette analogie détrône l’autorité du savant, et introduit la figure de ce que nous nommons l’artiste et que l’Encyclopédie nomme plus volontiers l’auteur, voire le poète. L’auteur – l’écrivain – serait-il par conséquent selon ce cheminement d’idées celui qui transcrit, ou qui donne à écouter ces bruits, ces chants qu’il est au fond le seul à avoir su entendre ? Le retentissement est à nos consciences mal éveillées comme une réminiscence d’un chant murmuré, et qui en tant que tel est simplement le bruissement permanent de ce qui est, bruissement non chaotique dont le monde retentit en permanence. Le retentissement clôt l’énigme d’une évidence enfouie : « Retentissement :  continuité d’un son et de ses harmoniques » !

NOTES

[1] Diderot, Le Rêve de D’Alembert [1769], DPV, t. XVII, 1987, p. 147

[2] Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature [1754], DPV, t. IX, 1981, p. 36

[3] Sa première publication publique date de 1830, sur cela lire l’introduction de Paul Vernière, Œuvres Philosophiques, Paris, Classiques Garnier, 1998, p. 252.

[4] Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature, DPV, t. IX, 1981, p. 30.

[5] Les deux termes qui encadrent l’article sont en aval RETENTIONNAIRE de soie, (Manufact.), en amont RETENTUM, (Jurisprudence.).

[6] La réciproque est également vraie, aucun renvoi à RETENTIR RETENTISSEMENT, (Gram.) n’apparaît ; quand bien même le verbe est employé 30 fois et le substantif 11 fois dans l’ensemble de l’Encyclopédie, cet usage ne contribue en rien à définir les causes et les effets du retentissement.

[7] Il s’agit des Pensées sur l’interprétation de la nature. 1754, Sur ce sujet consulter François Pépin, La philosophie expérimentale de Diderot et la chimie, Paris, Classiques Garnier, 2012.

[8] Dans la Lettre sur les Sourds et les muets, l’apologie de la langue française va en ce sens.  « D’où il s’ensuit, ce me semble, que la communication de la pensée étant l’objet principal du langage, notre langue est de toutes les langues la plus châtiée, la plus exacte et la plus estimable ; celle en un mot qui a retenu le moins de ces négligences que j’appellerais volontiers des restes de la balbutie des premiers âges. », DPV, t. IV, 1978, p. 113.

[9] Voir l’article du chevalier de Jaucourt : VACARME, TUMULTE, (Synon.) : « vacarme emporte par sa valeur l’idée d’un plus grand bruit, & tumulte celle d’un plus grand desordre. Une seule personne fait quelquefois du vacarme ; mais le tumulte suppose toujours qu’il y a un grand nombre de gens […]. » Encyclopédie, 1765, vol. xvi, p. 790b.

[10] Le siècle de Louis xiv paraît à Berlin chez Christian-Friedrich Henning en 1751 et connaît plus de cinquante impressions chez divers éditeurs du vivant de son auteur. On sait l’admiration de Diderot pour Voltaire.

[11] Le Prospectus répète cette certitude : « Nous ne refusons point à cet Auteur [Ephraïm Chambers] la justice qui lui est dûe. Il a bien senti le mérite de l’ordre encyclopédique, ou de la chaîne par laquelle on peut descendre sans interruption des premiers principes d’une Science ou d’un Art jusqu’à ses conséquences les plus éloignées, & remonter de ses conséquences les plus éloignées jusqu’à ses premiers principes ; passer imperceptiblement de cette Science ou de cet Art à un autre ; &, s’il est permis de s’exprimer ainsi, faire sans s’égarer le tour du Monde Littéraire. », [1750], texte placé à la fin du vol. i de l’Encyclopédie et paginé de 1-5, 1751, p. 1.

[12] Diderot, Michel Delon éd., Le Neveu de Rameau, Paris, Gallimard, collection « Folio classique », 2006, p. 120.

[13] Furetière « retentir.  v. n. Reflechir et redoubler le son. Un lieu vouté & qui n’est point tapissé retentit bien plus qu’un autre. Les bois, les cavernes retentissent, forment des échos. »

[14] Denis Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature [1754], DPV, t. IX, 1981,p. 33-34.

[15] La Lettre sur les sourds et les muets s’emploie, à apporter des réponses notamment à Charles Batteux.

[16] Parmi les cinq mémoires, on pense plus particulièrement au quatrième « Projet d’un nouvel orgue » le seul à avoir été publié antérieurement dans le Mercure de France en octobre 1747, p. 92-109. Notons au propos de la recherche d’un ton plaisant la collaboration de Diderot aux Leçons de clavecin de 1771 qui ne sont qu’une mise en forme théâtralisée avec vivacité et enjouement du traité d’Antoine Bemetzrieder.

[17] Diderot, ENCYCLOPÉDIE, (Philosoph.), Encyclopédie, vol. v, 1755, p. 638a, § 37. Lire les notes et le dossier critique réalisé par Marie Leca-Tsiomis.

[18] Diderot, comme on sait, exprimera clairement cette conviction qui sous-tend tout son œuvre dans le Rêve de D’Alembert de 1769 et le Paradoxe sur le comédien 1769 également mais complété entre 1773-1777.

[19] Diderot, Entretien entre D’Alembert et Diderot, DPV, t. XVII, 1987, p. 102.

[20] Diderot, Prospectus, 1750, p. 2b.

[21] Marmontel, Définitionen Rhétorique, Encyclopédie, vol. iv, 1754, p. 749 a.

[22] D’Alembert, Définition, en Mathématiques, Encyclopédie, vol. iv, 1754, p. 748 b.

[23] Il est intéressant d’observer que l’article ENTHOUSIASME, (Philos. & Belles-Lett.) de Cahusac, qui essaie d’approcher une part inexplicable des manifestations du génie entre raison et fureur, introduit la figure du musicien qui, indissociable de celle du poète, unit  la lyre en surcroît à l’orchestre, soit le chant à ses extrapolations : « le musicien monte sa lyre, & l’orchestre remplit l’univers de ses harmonies sublimes. » (Encyclopédie, vol. v, 1755, p. 720b, § 13).

[24] Denis Diderot, ENCYCLOPÉDIE, (Philosoph.), Encyclopédie, vol. v, 1755, p. 641a, § 69.

[25] Ibid.

[26] Il évoque cependant le son à la dernière ligne de son article et renvoie à l’article « Son ».

[27] L’article ONDE, en terme de Physique de D’Alembert est à ce sujet incontournable.

[28] Voir plus particulièrement le paragraphe 8 de D’Alembert, où sont évoquées les forêts, les murailles, les cavernes, puis au paragraphe 12 où les cavités des espaces concaves sont vantées.

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