Prolégomènes à toute attribution future de l’article métaphysique Hypothèse de l’Encyclopédie*
Quelqu’un m’avait offert un article Hypothèse ; tâchez de découvrir qui c’est.[1]
Le 1er mai 1759, Diderot rapporte à Grimm les circonstances dramatiques dans lesquelles les articles de l’Encyclopédie ont pu échapper aux censeurs venus les saisir : « Il a fallu tout à coup enlever pendant la nuit les manuscrits, se sauver de chez soi, découcher, chercher un asile et songer à se pourvoir d’une chaise de poste et à marcher tant que la terre me porterait »[2]. En dépit de l’arrêt du Conseil d’État du Roi du 8 mars 1759 révoquant le privilège accordé en 1746, l’entreprise se poursuivrait dans la clandestinité.
L’histoire est bien connue. Lors de son voyage à Genève en août 1756, D’Alembert réside chez Voltaire où il fomente l’article à l’origine du scandale philosophique, politique et religieux conduisant à l’interdiction de l’Encyclopédie[3]. Il y fréquente à la même occasion tout ce que la société genevoise compte de philosophes et de notabilités intellectuelles. Il rencontre ainsi Charles Bonnet (1720-1793), qui attribue au physico-mathématicien français un scepticisme radical :
Par quelques questions de métaphysique que je lui ai proposées, il m’a été aisé de juger qu’il n’est pas l’homme des quatre B. Il va trop vite ; il se presse trop de décider ; peut-être parce qu’il n’a pas fait assez de cas des matières de raisonnement pour chercher à les approfondir. Il ne veut ni conjecture ni hypothèse, dans quelque matière que ce soit. C’est un homme qui me semble n’avoir point le tact des probabilités. Son pyrrhonisme s’étend si loin que je ne sais s’il croit autre chose que ses mathématiques et quelques autres faits de physique et d’histoire.[4]
Créée en 1748, la société des « quatre B » est constitué, en plus du naturaliste Bonnet, du pasteur Benelle, du docteur Butini et de l’avocat Beaumont. On y discute droit et morale[5], et d’ouvrages philosophiques comme ceux de Berkeley, Condillac ou Montesquieu[6]. D’Alembert voit un habitué de ce cercle, le physicien Georges-Louis Le Sage (1724-1803), qui lui a déjà fait parvenir plusieurs mémoires. Natif de Genève, Le Sage a suivi des études de médecine à Bâle puis à Paris de 1745 à 1747, mais il ne peut exercer cette profession sans acquitter un droit de bourgeoisie car il est issu d’une famille huguenote réfugiée. Pour gagner sa vie, il devient précepteur en donnant des cours de mathématiques et de physique. Sa vocation précoce pour ces sciences, stimulée par le programme du concours de l’Académie royale des sciences de Paris divulgué lors de la séance publique du 20 avril 1746 à laquelle il a assisté, l’engage à rédiger un Essai sur l’origine des forces mortes, première version de sa théorie corpusculaire de la gravitation, qu’il soumet à deux reprises lors de la prorogation du même prix[7] en 1750 et 1752, sans succès. Il découvre au même moment le « Tableau figuré des connaissances humaines » du chancelier Bacon publié avec le prospectus de l’Encyclopédie, qui confirme sa vocation pour la physique générale, c’est-à-dire « la recherche des causes tant efficientes que finales »[8]. En 1753, par l’intermédiaire de Paul-Henri Mallet (1730-1807), Le Sage sollicite D’Alembert pour être publié dans les Mémoires des savants étrangers[9], recueil destiné d’abord aux correspondants (un titre qu’il obtiendra en 1761). Il accompagne sa demande d’une liste d’une quarantaine de mémoires de mathématiques et de physique. L’offre retient suffisamment l’attention de l’académicien pour valoir au savant genevois une citation anonyme mais flatteuse dans l’article DIMENSION de l’Encyclopédie :
Un homme d’esprit de ma connoissance croit qu’on pourroit cependant regarder la durée comme une quatrieme dimension, & que le produit du tems par la solidité seroit en quelque maniere un produit de quatre dimensions ; cette idée peut être contestée, mais elle a, ce me semble, quelque mérite, quand ce ne seroit que celui de la nouveauté. [10]
En 1754, Le Sage envoie pour l’Encyclopédie un article de logique, qui sera publié sous l’entrée INVERSE [11]. Il entretient aussi D’Alembert de sa « manie des Hypothèses », qu’il confesse en termes prudents :
Je n’ai jamais gouté, il est vrai, ces Explications vagues, qui ne paroissent raisonnables qu’autant qu’on leur laisse toute leur Indetermination ; Et j’ai toujours tâché d’employer des idées precises & intelligibles, qui sont la vraye pierre de touche de la verité d’un Système.[12]
Au début de l’année 1756, il propose d’apporter des compléments à plusieurs articles de l’Encyclopédie, au bas des mots « Fluidité », « Forces » et « Frotement », « si du moins l’alliage ne vous paroit pas trop monstrueux »[13]. Surtout il expose une série d’arguments en défense de sa méthode de recherche, véritable plaidoyer en faveur des hypothèses à destination d’un juge qui y semble peu enclin :
Mr Necker[14] m’apprend que l’esprit d’Hypothèse, sous lequel vous envisagés ma Théorie de la Gravité, vous a donné un espèce de repugnance à en entreprendre l’examen. J’ose cependant vous assurer que cette Théorie, differe essentiellement de tous ces Romans qu’on nomme communément Hypothèses, & qui ont attiré sur tout ce qui porte ce titre un mépris si universel & si bien fondé. Oui Monsieur, s’il arrivoit, qu’en examinant le Mechanisme auquel j’attribüe la Gravité, vous vinssiés à y decouvrir quelque chose de vague, d’arbitraire, ou d’inconsequent ; je m’engage à renoncer pour toujours aux effets de vôtre bienveillance. Je ne saurois mettre dans ce Pari, un enjeu dont la perte me fût plus sensible : et vous êtes obligé en conscience, d’hazarder de vôtre côté, une heure au moins de vos meditations.[15]
Le Sage attribue à son hypothèse théorique quatre mérites : la simplicité, l’accord avec les faits, l’absence d’objections, l’analogie. En pratique, sa méthode de recherche consiste à passer en revue tous les explications possibles et à éliminer les unes après les autres celles qui ne répondent pas aux exigences précédentes jusqu’à n’en retenir qu’une. Le savant genevois livre ainsi dans cette lettre son credo méthodologique en matière de physique. L’été suivant, Le Sage enregistre dans l’agenda qu’il tient des évènements qui le touchent directement sa première rencontre avec D’Alembert à Genève : « Le 9me Aoust. Mr D’Alembert est arrivé chés Necker, & j’y ai passé la soirée avec lui »[16]. Il l’entretient de façon répétée de sa théorie de la gravitation : « Le 9me Aout 1756, & presque tous les jours suivans jusqu’au 30me. J’ai vû Mr D’ALEMBERT, & je lui ai beaucoup parlé de mes Corpuscules »[17].
Tout au long de l’année 1757, des échanges épistolaires prolongent ces discussions scientifiques de vive voix, notamment à propos de la nature de la pesanteur, dont deux articles de l’Encyclopédie se font l’écho. À Le Sage, qui lui communique « une de [s]es idées favorites, c’est que l’action de la Gravité n’est pas Continuë »[18], D’Alembert répond : « je l’ai exposée, mais d’une maniere qui m’est particuliere au mot force »[19]. Dans l’une des déclinaisons de cet article, qui reprend pour l’essentiel des conceptions défendues dans son Traité de Dynamique (1743), le mathématicien français évoque et révoque en doute la proposition du physicien genevois, mais sans en lui accorder la primauté : « On dira peut-être que la nature de la pesanteur n’est point d’agir à chaque instant, mais de donner des petits coups finis qui se succèdent comme par secousses dans des intervalles de tems finis, quoique très-petits […] On ne pourroit tout-au-plus admettre cette hypothèse que dans le cas où l’on regarderoit la pesanteur comme l’effet de l’impulsion d’un fluide ; & l’on sait combien il est douteux que la pesanteur vienne d’une pareille impulsion, puisque jusqu’ici les phénomenes de la pesanteur n’ont pû s’en déduire, ou même y paroissent contraires »[20]. Indulgent, D’Alembert a cependant offert à Le Sage de parler de sa théorie sous l’entrée GRAVITÉ, une promesse tenue même si l’académicien réserve son jugement :
M. Le Sage de Genève, a présenté depuis peu à l’Académie des Sciences un écrit qui contient un système ingénieux sur cette matiere ; mais ce système n’est pas encore publié, & nous attendrons qu’il le soit pour en faire mention. [21]
D’Alembert s’est en effet laissé convaincre de faire réexaminer le mémoire de Le Sage soumis pour le prix Rouillé de Meslay, tâche confiée à Mairan et à Bouguer, dont il se fait l’intermédiaire pour demander des amendements et des précisions :
j’ai parlé à Mr Bouguer. Il est content en general de votre memoire, mais il n’en trouve pas la forme telle qu’il la voudroit. Il desireroit, que vous retranchassiez l’historique qui ne fait rien au fond, que vous rendissiez vos calculs plus clairs et surtout que vous donnassiez une comparaison de votre systême avec celui de mr varignon dans ses conjectures sur la cause de la pesanteur 1690. au reste, il ne goute pas plus que moi le fond de l’hypothese, mais il n’en rendra pas moins justice à votre travail et à vos vûes nouvelles.[22]
Malgré son peu de goût pour l’ « esprit d’hypothèse » en général et le système de Le Sage en particulier, D’Alembert semble éprouver un réel intérêt pour les idées et les raisonnements du physicien genevois, du moins comme matériaux utiles à l’Encyclopédie. L’académicien l’autorise même à exprimer publiquement cette marque d’estime : « Je serois charmé, si l’occasion s’en presentoit, de pouvoir vous être de quelque utilité par mon témoignage. je vous l’offre donc d’avance »[23].
Un déplacement de l’abbé André Morellet (1727-1819) à Genève en 1757 confirme qu’il fait partie des auteurs identifiés par les encyclopédistes comme un rédacteur prometteur. Le Sage enregistre sa première rencontre avec ce proche de D’Alembert : « Le 28e Aoust. J’ai soupé chés mme Vernes, avec Mr l’Abé Morellet, Theologien de l’Encyclopédie »[24]. Remarqué par Diderot et D’Alembert pour un Petit écrit sur une matière intéressante (1756) poussant à l’excès les principes de l’intolérance pour les ridiculiser, Morellet fournit au grand ouvrage plusieurs morceaux de théologie pour des articles comme FATALITÉ, Figures, Fils de Dieu, FOI, FONDAMENTAUX, (Articles), ou encore GOMARISTES.
Les échanges avec Le Sage tournent là encore autour de sa théorie, mais aussi et surtout de sa méthodologie : « Du 27me Aoust 1757, jusqu’au 7me 7bre. Mr l’Abbé MORELLET a été à Genève ; & je lui ai un peu parlé de mon Système ; mais beaucoup plus, de mon Parallele entre les Methodes d’Analogie & d’Hypothese, dont nous lûmes ensemble le Brouillard » [25]. On trouve un écho du caractère approfondi de ces discussions dans la version imprimée d’un mémoire « Sur la méthode d’hypothèse », qui ne sera publié qu’après la mort de Le Sage par son héritier intellectuel Pierre Prévost. Le physicien y flatte en effet l’intelligence d’un interlocuteur qu’il crédite d’une distinction entre deux types d’hypothèses : « Un homme de génie, à qui j’exposois quelques heureux fruits de la méthode d’hypothèse, me dit, qu’ils lui paroissoient être particuliers aux hypothèses momentanées, et ne rien prouver en faveur des hypothèses permanentes »[26]. Les sommaires préparatoires de cet écrit sont plus explicites quant à l’identité de ce fin personnage : « Distinction (de Mr l’Abé Morelet) des Hypothèses, en momentanées & permanentes »[27]. Le Sage semble aussi s’être engagé auprès du même à fournir des éléments pour d’autres articles à paraître dans le volume VIII, de l’Encyclopédie, ce dont témoigne une lettre qu’il lui envoie et qui évoque plusieurs entrées en souffrance :
Après les ofres si gracieuses que vous m’aviés faites, de concourir à l’achevement & à la publication de quelques Materiaux informes que je vous avois montré ; vous devés me trouver d’une indolence inconcevable, d’avoir dèja laissé ecouler deux mois, sans vous les envoyer, au pis aller tels qu’ils se trouvoient. […] Si j’avois prévu, que pendant un si long tems, je ne pourrois rien developer de ce que j’ai pensé sur les Articles Identité, Indiscernables, &c. ; je vous aurois fait parvenir sans delai, mon barbouillage sur l’Article Hypothèse[28].
Cette mention d’un article « Hypothèse » en chantier, de la main de Le Sage et que Morellet se propose de finaliser, tout comme l’évocation d’ajouts ponctuels du genevois à d’autres entrées, confirme l’intervention toujours possible de plusieurs rédacteurs à l’échelle même d’une définition de l’Encyclopédie. Le savant genevois promet encore d’autres écrits à ceux chargés de rassembler puis d’assembler les matériaux épars du texte encyclopédique :
comme il m’a parû, que mon Imagination etoit moins vagabonde & libertine en Hyver : Je compte, que dans peu, je serai mieux le maitre de choisir à mon gré les objets de mes compositions : Et ce choix tombera ; 1° sur deux Memoires Physico-Mathematiques, presque finis, que Mrs Bouguer & De Mairan ont droit d’attendre de moi depuis fort longtems ; 2° Sur les Articles Identité, Identité personnelle, Imperceptible, Indiscernables, Interpolation, & Levier, pour le prochain volume de l’Encyclopédie. De sorte que, vous pouvés avec confiance, les promettre à Mrs Turgot &c, pour le mois de Mars au plus tard. Les deux derniers, ne contiennent que des Reflexions neuves, en forme d’Addition aux Articles reguliers de Mr d’Alembert. J’en dis autant du quatrième, à moins que ces Messieurs ne souhaitent que je me charge de faire l’Article tout entier. Pour les trois premiers ; je les entreprendrai de moi-même. [29]
S’il n’existe pas d’entrées « Imperceptible » ou « Indiscernables » dans le volume VIII, un article Identité y paraît, sans signature, mais l’apport de Le Sage reste hypothétique sans complément d’enquête[30]. S’agissant de l’article « Hypothèse », plutôt que de se résoudre à en confier le « brouillard » aux ouvriers de l’Encyclopédie, le genevois pointe pour le lecteur sinon pour le rédacteur un renvoi possible vers une autre entrée du texte encyclopédique, ainsi que plusieurs mentions bibliographiques :
Vous avés bien raison de le dire : Qu’il ne faut pas lire la Metaphysique, mais qu’il faut la faire. Si cependant ; après avoir fait l’Article Hypothèse, on vouloit lire quelque chose sur cette matière, pour y puiser quelques illustrations ou developemens ; je crois, que les Reflexions de Mr Turgot dans l’Article Etymologie que vous m’avés indiqué, & un Chapitre ad hoc des Institutions de Physique de Mme Du Châtelet, que je me suis avisé de lire depuis vôtre depart, seroient ce qu’on pourroit parcourir de mieux. Il y a cependant encore quelque chose à voir ; dans la Preface que Mr De Mairan a mise à la tête de sa Dissertation sur la glace ; dans l’Essai sur les Systèmes, de Mr De Condillac ; & dans l’Introduction à la Philosophie par Mr s’Gravesande.
Ces manœuvres dilatoires coïncident avec la publication de l’article GENÈVE dans le volume VII de l’Encyclopédie, publié en novembre 1757. Pour se mettre à l’abri de la polémique, Le Sage a demandé à D’Alembert de ne pas l’impliquer, arguant de la fragilité de sa notoriété à Genève :
je suis un pauvre Diable de Laïque ; qui, n’ayant pas été à portée d’etudier à fond, ni les Dogmes, ni les opinions secretes de ceux qui les prêchent, ne peut en avoir parlé que sur quelque ouï-dire : De sorte que ; mon Autorité, seroit jugée d’un Poids infiniment-petit pour la justification de vôtre assertion ; & que cependant, la citer en preuve, seroit causer bien des chagrins, à un honnête homme auquel on a confié jusqu’à présent une partie de l’instruction de la jeunesse.[31]
Mais Le Sage ne retire pas son engagement à contribuer à l’Encyclopédie, apparemment non compromis par cette affaire mais seulement différé par des incommodités personnelles :
J’ai manqué d’une façon si enorme, à toutes les promesses que j’avois faites à Mr l’Abbé Morellet ; qu’il ne faut pas moins que vôtre canal, pour lui en faire agrèer mes Excuses : Prêtés-vous y donc, je vous en supplie : Elles se réduisent ; à des Insomnies, de petites Fièvres, & de mauvaises Digestions.[32]
À cette date, D’Alembert vient quant à lui de renoncer à son travail d’éditeur de l’Encyclopédie[33], lassé des attaques continuelles et personnelles de longue date portées par les adversaires des encyclopédistes[34]. La nouvelle officielle de la défection du philosophe français parvient dans la cité genevoise sans doute par l’intermédiaire du docteur Tronchin qui, s’étant ému de l’article GENÈVE [35], en est informé directement par son auteur[36]. Le Sage l’apprend lui aussi, puisque l’un des éphémérides qu’il tient indique : « Le 5e Janvier Fevrier 1758. Mme d’Epinay, m’a offert la place de Mr D’Alembert à l’Encyclopédie »[37]. Il est difficile d’identifier l’origine exacte de cette proposition restée sans suite[38]. Arrivée à Genève en novembre 1757 pour se rapprocher de son médecin Tronchin, Louise d’Épinay (1726-1783) tient à Paris un des salons où se retrouvent et se recrutent les encyclopédistes. Depuis 1755, elle partage sa vie avec Friedrich Grimm (1723-1807), dont l’ami le plus proche est Diderot.
L’année 1758 est pauvre en traces des relations entre Le Sage et les encyclopédistes. Ses papiers conservent cependant une carte énigmatique, non datée, sans doute postérieure à l’échange épistolaire de la fin de l’année 1757. Le Sage y justifie la rétention de son écrit sur les hypothèses tout en évoquant un mystérieux personnage à même de le mener à terme :
A Mr l’Abé Morellet.
Mes papiers sur la methode d’Hypothèse, etoient emmèlés, d’un trop grand nombre de choses trop relatives à mes Corpuscules ; & ils etoient conformes à un Plan trop different de celui que je prefere aujourd’hui ; pour devoir vous être envoyés tels qu’ils etoient se trouvoient à votre depart d’ici.
J’ai d’ailleurs changé de façon de penser sur plusieurs points ; & je me suis aperçu à l’egard de quelques autres, que j’avois tellemt
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donné à gauche dans l’expression de ma pensée, qu’on que le Lecteur devoit la prendre d’autant plus mal prècisèmt, qu’il auroit plus de penetration.
Si la plume pressante, forte, lumineuse, & interessante du Conciliateur des pretentions les plus embrouillées ; veut bien se préter à reprendre quelque peu de sona elega netteté & de son elegance sur cet Embryon : Il lui sera redevable de entierement redevable du cas que le Public pourra en faire.[39]
Il pourrait s’agir des minutes d’une seconde lettre envoyée ou remise à Morellet quelque temps après la première, peut-être accompagnée d’un « embryon »[40] d’article, abandonné pour être confié à un personnage désigné sous le nom de « Conciliateur ». Faut-il ici reconnaître l’auteur anonyme d’une brochure parue en 1754, intitulée Le Conciliateur, ou lettres d’un ecclésiastique à un magistrat, prônant la tolérance civile à l’égard des protestants ? Au tout début de ses Mémoires, Morellet l’attribue à Loménie de Brienne, en vantant sa plume « nette, précise, complète »[41], mais on sait aujourd’hui que cet écrit fut composé avec Turgot. Tous trois se sont rencontrés à la Sorbonne, où ils ont noué une profonde amitié.
Le Sage semble ainsi laisser au trio le soin de l’article « Hypothèse », peut-être pour s’affranchir d’une promesse devenue encombrante avec la polémique autour de l’article GENÈVE, occasion du retrait effectif de D’Alembert de l’Encyclopédie. Au cours de l’année 1758, ce dernier estime en avoir terminé avec le volume VIII[42] et déclare limiter ses futures contributions aux articles de mathématiques[43]. Diderot s’en lamente auprès de Voltaire : « Les libraires sentent aussi bien que moi que D’Alembert n’est pas un homme facile à remplacer »[44]. Au début de l’année 1759, il prie Turgot pour plusieurs articles en souffrance : « Jamais l’Encyclopédie n’a eu un plus grand besoin de secours. Elle renaît. Le succès de sa continuation dépendra de celui du volume que je vais publier. […] Quelques articles ; en grâce, Monsieur, quelques articles »[45]. Quant à Morellet, interlocuteur privilégié de Le Sage depuis l’été 1757, il abandonne sa collaboration à l’Encyclopédie à son retour d’Italie, à la fin de mars 1759, date à laquelle le privilège de publication vient d’être suspendu.
Diderot se tourne alors vers son ami Grimm, qui passe presque toute l’année 1759 à Genève avec Louise d’Épinay[46]. Dans une longue lettre matière à l’entretenir surtout des aléas de l’entreprise encyclopédique, il rapporte une discussion rassemblant D’Alembert, Jaucourt, les libraires et lui chez le « baron » (d’Holbach) pour continuer l’Encyclopédie : « Nous nous mîmes à table à quatre heures du soir. On fut gai. On but, on rit, on mangea ; et sur le soir la grande affaire s’entama. J’expliquai le projet de compléter le manuscrit »[47]. Malgré l’emportement et la sortie de D’Alembert[48], il est convenu de compléter et d’imprimer sept autres volumes, le volume VIII couvrant les lettres « H, I, K ». En rupture de ban avec Morellet comme avec Turgot, Diderot engage Grimm à recruter autour de lui : « N’y aurait-il pas moyen d’enrôler à Genève un petit nombre d’hommes savants et discrets ? »[49]. Entre deux autres requêtes – celle d’obtenir copie d’un mémoire remis à Tronchin et celle d’embrasser Voltaire –, il glisse : « Quelqu’un m’avait offert un article Hypothèse ; tâchez de découvrir qui c’est »[50].
Grimm et Le Sage se sont croisés. En témoigne la lettre que le publiciste fait remettre au physicien le 26 septembre 1759, la veille de son départ de Genève. D’après son contenu, le genevois semble toujours avoir plusieurs projets d’articles en vue pour l’Encyclopédie, au premier rang desquels « Hypothèse » :
Malgré tout ce que j’ai pu faire, Monsieur, je n’ai pas trouvé le moment de vous rendre mes devoirs et de voir les morceaux que vous m’avez fait espérer. Je pars avec le regret de ne pas vous avoir connu plus tôt ; j’ai respecté votre retraite et votre santé. Je vous supplie de nous conserver votre bonne volonté. M. Cramer m’a promis de vous en faire souvenir. Si vous vouliez lui remettre l’article Hypothèse, il me le ferait passer à Paris. C’est le plus pressé. Les autres le sont moins[51].
Contrairement à Morellet, Grimm n’a pas eu sous les yeux les papiers de Le Sage, mais les échanges qu’ils ont eus ont pu lui laisser espérer des contributions répondant aux vœux de Diderot. Quelques semaines plus tard, le libraire imprimeur Gabriel Cramer (1723-1793) confirme quant à lui son engagement à mettre au travail un auteur apprécié sur la place de Genève. Il connaît les capacités mais aussi les velléités du physicien, identifié ainsi comme du « petit nombre d’hommes savants et discrets » propres à nourrir le texte encyclopédique :
J’attends mon frère pour tourmenter, vexer, excéder, le pauvre Lesage, jusques à ce qu’il ait envoyé hypothese, & cinq ou six autres mot que je le crois en état de bien faire. Le bon Dieu vous le rende Messieurs, c’est une bonne action de ne pas abandonner ce précepteur des honnêtes gens ; quand vous voudrez que je sois vôtre manoeuvre je travaillerai de cul & de tête, comptez là dessus[52].
Le harcèlement promis ne semble pas avoir eu de résultat. Le silence des archives ne permet pas de suivre aussi aisément les ultimes tentatives d’arracher à Le Sage de la copie pour l’Encyclopédie. Celui-ci a pourtant conservé dans ses portefeuilles de quoi composer un petit essai de méthodologie scientifique, qu’il montre lorsqu’il se sent en confiance. Sur l’une des milliers de cartes à jouer destinées à garder trace de ses multiples projets d’écriture[53], Le Sage indique ainsi dans une « Note ; à mettre au bas de la 1re page du court Parallèle entre les Methodes d’Hypothèse & d’Analogie » :
je l’avois communiqué à diverses Personnes, au mois d’….. 175:: , & en Janvier 1760 : ?????????? L’une des premières ; vouloit le faire entrer dans l’Encyclopédie : Mais je ne pûs jamais m’y resoudre, à cause de son extrème desordre.[54]
L’incertitude sur la première date tient peut-être à l’hésitation, au moment de la rédaction de cette note, sur la date précise à laquelle Le Sage avait montré à Morellet son « brouillard ». Quant à la seconde, parmi les calenda de ses rencontres scientifiques et mondaines reconstituées rétrospectivement par le physicien, un seul autre nom apparaît comme informé de ses recherches spéculatives : « Le 2d Janvier 1760. Je commençai à developper à Mr SAUSSURE, ma Physique generale & particuliere »[55]. Le jugement du naturaliste Charles Bonnet du petit cercle de ses amitiés intellectuelles le conforte dans son esprit de rétention :
Je vous suis infiniment obligé, mon cher ami, de vos excellentes Observations sur ces Matériaux d’un Parallèle des Méthodes d’Analogie et d’Hypothèse en Physique (car c’est sous ce point de vuë uniquement que je vous prie d’envisager cet écrit). Vous avés bien raison, de dire, qu’il n’étoit pas fait pour entrer dans l’Encyclopèdie. Au moins à titre d’un Article de Logique ; Car peut-être auroit-il mieux pû y entrer comme appartenant à la Physique Systématique ; et je l’avois raporté à ces deux Branches à la fois. Il n’avoit point été composé pour l’Encyclopédie. Mais la conversation etant tombée sur cette matière avec l’Abé Morellet, & m’ayant engagé à lui communiquer ce que j’avois barbouillé là-dessus : Il me demanda ces Materiaux pour l’Encyclopèdie, me promettant d’en composer un morceau régulier : Depuis lors, Mr Grimm, me les a demandés : Et dernièrement, Mr Diderot. Cependant, je ne les ai pas encore lâchés ; & suivant vôtre avis, je ne les lâcherai point.[56]
Ce court récit rétrospectif des atermoiements sans fin de Le Sage suggère l’existence d’une sollicitation récente et directe de Diderot, vers le milieu de l’année 1762 si on se fie à la datation que donne le physicien de cet échange avec Bonnet[57]. De fait, Diderot travaille encore en septembre au manuscrit du volume VIII du texte encyclopédique[58]. C’est une dernière occasion manquée pour l’auteur putatif de l’article « Hypothèse », car bientôt l’Encyclopédie s’imprime à Paris en secret et à la satisfaction de son éditeur en chef qui s’en ouvre à son correspondant le plus célèbre :
Non, très cher et très illustre frère, nous n’irons ni à Berlin ni à Pétersbourg achever l’Encyclopédie ; et la raison, c’est qu’au moment où je vous parle on l’imprime ici et que j’en ai des épreuves sous mes yeux. Mais chut ![59]
Mais ce n’est que trois ans plus tard, à la fin de l’année 1765, que le « grand et maudit ouvrage est fini »[60], avec la publication groupée des dix derniers tomes de l’Encyclopédie. Le premier d’entre eux, le volume VIII, contient une entrée HYPOTHESE sous le désignant Métaphysique[61], sans signature. S’il est anonyme, la provenance de l’article métaphysique ne fait pourtant aucun doute, puisque sa source est explicitement citée — « Voyez le chap. v. [sic pour iv] des Institutions de Phis. » — tandis qu’une seconde mention bibliographique souligne avec insistance une préférence pour une autre référence — « & sur-tout le traité des Systèmes de M. l’Abbé de Condillac ».
Une étude fine des emprunts et ajouts au texte original du chapitre intitulé « Des hypothèses » de l’ouvrage d’Émilie du Châtelet, entièrement et exclusivement utilisé pour composer HYPOTHESE (Métaphysiq.), reste à faire. Elle permettra peut-être de cibler le rédacteur anonyme qui, au-delà de la reprise de l’épistémologie originale de la philosophe française ouverte aux conjectures en matière de recherche scientifique, manifeste aussi un parti-pris fort contre tout dogmatisme philosophique avec le renvoi appuyé à un texte dénonçant l’esprit de système[62]. Or, l’article SYSTEME rangé sous le désignant Métaphysique[63], également non signé et surtout l’un des cinq seulement du texte encyclopédique à renvoyer explicitement à HYPOTHESE, est quant à lui construit de bric et de broc précisément à partir du Traité des systèmes.
Parmi les quatre autres renvois à HYPOTHESE que nous avons relevés, l’article Ciel, dans l’Astronomie ancienne, publié dans le volume III en 1753 et traduit de Chambers par D’Alembert, emploie le mot hypothèse dans le contexte restreint de l’astronomie tout en renvoyant à l’entrée SYSTÈME — pour laquelle D’Alembert a rédigé la partie placée sous le désignant « en terme d’Astronomie »[64] — mais aussi à PHENOMENE (Phys.), ce dernier mot portant là encore la marque de D’Alembert avec le court développement suivant :
L’hypothese la plus vraisemblable est celle qui satisfait le mieux à la plûpart des phénomenes. Voyez Hypothèse. Les Newtoniens prétendent que tous les phénomenes des corps célestes procedent de l’attraction mutuelle qu’il y a entre ces corps ; & presque tous les phénomenes des plus petits corps viennent de l’attraction & de la répulsion qu’il y a entre leurs parties. Voyez Gravitation, Attraction, &c. (O)[65]
Quatrième article lié à HYPOTHESE, PROBABILITÉ, sous le triple désignant Philosophie, Logique, Mathématiques, est d’une amplitude et d’une ambition bien plus considérables[66]. Le terme hypothèse y est en particulier associé à celui d’analogie : « Nous avons indiqué deux autres sources de probabilité, l’analogie & les hypotheses sur lesquelles nous renvoyons aux articles Induction, Analogie, Hypothèse, Supposition ». Son auteur a été identifié il y a longtemps déjà par Jean-Daniel Candaux[67]. Il s’agit du chevalier de Lubières (1714-1790), qui a en outre composé les très longs articles IDÉE (sous le double désignant Philosophie et Logique) et INDUCTION (sous le double désignant Logique et Grammaire) publiés dans le volume VIII[68]. La source essentielle de Lubières est un cours manuscrit de logique du mathématicien Gabriel Cramer (1704-1752)[69]. Enfin, « Transeat, terme de l’Ecole purement latin […] veut dire passe, & suppose qu’une proposition est vraie, sans que l’on en convienne absolument. Voyez Hypothèse, Lemme »[70].
De ce premier et bref inventaire des circulations suggérées par les renvois à HYPOTHESE (Métaphysiq.), nous retiendrons un usage du terme dans trois contextes distincts : l’astronomie, la logique et la métaphysique. Il reste délicat de démêler entièrement les sens logiques et métaphysiques, comme le suggère le court passage de l’article PROBABILITÉ — dont les résonances avec les projets d’écriture de Le Sage doivent simplement nous rappeler que, comme Lubières, le physicien connaissait les cours de logique de ses compatriotes, en particulier ceux de son professeur de physique Jean-Louis Calandrini (1703-1758), collègue proche du mathématicien Cramer. Cependant, le suivi éditorial par Diderot de l’article HYPOTHESE sur plusieurs années et le choix de publier une entrée métaphysique séparément et en amont de la définition mathématique nous invitent à préserver une autonomie au mot tel qu’il est défini sous ce désignant Métaphysique, ainsi qu’à établir un lien privilégié avec l’article SYSTEME pris dans le même registre et lui aussi placé en tête des autres chefs. C’est à une double enquête d’attribution qu’il faut maintenant s’appliquer pour un duo d’articles fondés sur des sources auxquelles Le Sage suggérait déjà à Morellet en 1757 de renvoyer « après avoir fait l’Article Hypothèse ».
* Cet article n’aurait jamais vu le jour sans les cinq présentations riches de questions qui l’ont nourri, à savoir lors d’une journée en l’honneur de Jacques Gapaillard à Nantes en 2006, lors du colloque international « D’Alembert, i Lumi, l’Europa » organisé par Luigi Peppe et Pierre Crépel à Levico Terme (Trento) en 2006, lors de la table ronde « Encyclopédie et Académies » animée par Irène Passeron dans le cadre du XIIe Congrès International des Lumières (Sciences, Techniques et Cultures au xviiie siècle) à Montpellier en 2007, lors du séminaire « Manufacture de l’Encyclopédie » sous la responsabilité de Marie Leca-Tsiomis, Irène Passeron, Alexandre Guilbaud et Alain Cernuschi en 2015, enfin lors du séminaire « Physique et astronomie aux XVIIe et XVIIIe siècles » dirigé par Christophe Schmit à l’Observatoire de Paris en 2018.
NOTES
[1] Lettre de Diderot à Grimm, 1er mai 1759, lettre 1759-12, dans Denis Diderot, Œuvres complètes, vol. xxviii, E. Boussuge, A. Angremy, D. Kahn (dir.), Correspondance 1, 1741-1742/1760, Paris, Hermann, p. 364. Il faut souligner l’extraordinaire travail d’annotation de cette correspondance, qui pourrait bien constituer une édition définitive.
[2] Ibid., p. 361.
[3] Pour une vue éclairante sur cet épisode, lire Nicole Dockès, « Lumières, religion et pouvoir, Le scandale de l’article « Genève » de l’Encyclopédie », Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon pour l’année 2008, 4ème série, tome 8, Lyon, 2009, p. 107-118.
[4] Jean-Daniel Candaux, « D’Alembert et les Genevois : quelques documents inédits », Les Musées de Genève, n° 77, juillet 1967, p. 11.
[5] Lire à ce propos Marc Ratcliff, « La genèse sociale d’une psychologie au xviiie siècle. Charles Bonnet et les sociabilités genevoises », dans Physique de l’esprit, Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Charles T. Wolfe (dir.), Paris, Hermann, 2018, p. 101-123.
[6] Le fait est rapporté par André Sayous, Le dix-huitième siècle à l’étranger, Histoire de la littérature française dans les divers pays de l’Europe depuis la mort de Louis XIV jusqu’à la révolution française, Paris, Amyot, 1861, volume I, p. 173-174.
[7] « Une Théorie de Saturne et de Jupiter par laquelle on puisse expliquer la cause physique des inégalités qu’on remarque dans les mouvemens de ces deux Planetes, principalement dans le temps de leur conjonction » (Registre manuscrit des procès-verbaux l’Académie royale des sciences pour l’année 1746, f. 87). D’Alembert fait partie du jury des commissaires nommés, aux côtés de Bouguer, Clairaut, Le Monnier et Camus.
[8] Pierre Prévost, Notice de la vie et des écrits de Georges-Louis Lesage de Genève, Genève, J. J. Paschoud,1805, p. 72.
[9] L’un de ses mémoires, envoyé en 1756, lui vaudra une citation dans l’Histoire de l’Académie pour 1756, imprimé en 1762 (« Remarque sur la XXIe proposition du livre XI des Éléments d’Euclide », p. 77-78).
[10] Vol. IV, 1754, p. 1010a. Le titre original du mémoire proposé par Le Sage est le suivant : « Le Tems consideré comme Dimension de l’Etendüe » (Le Sage à D’Alembert, 3 août 1753, lettre 53.13, Jean le Rond D’Alembert, Inventaire analytique de la correspondance 1741-1783 [établi par Irène Passeron], Œuvres complètes, vol. V/1, Paris, CNRS Éditions, 2009, ci-après abrégé O.C. V/1).
[11] Vol. VIII, 1765, p. 849b-852a.
[12] Le Sage à D’Alembert, 12 juillet 1754, lettre 54.09, O.C. V/1.
[13] Le Sage à D’Alembert, 10 mars 1756, lettre 56.08, O.C. V/1.
[14] Louis Necker (1730-1804), frère aîné du futur ministre de Louis XVI, fait partie des relations genevoises de Le Sage qui lui servent de boîte à lettres à Paris.
[15] Le Sage à D’Alembert, 10 mars 1756, lettre 56.08, O.C. V/1.
[16] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2056b, 12/2.
[17] Idem.
[18] Le Sage à D’Alembert, 15 avril 1757, lettre 57.09, O.C. V/1.
[19] D’Alembert à Le Sage, 9 mai 1757, lettre 57.13, O.C. V/1.
[20] Forces accélératrices, Encyclopédie, vol. VII, 1757, p. 117b. Pour une reconstitution de cet échange entre Le Sage et D’Alembert, qui se prolonge jusqu’en 1761, lire Hugues Chabot, Enquête historique sur les savoirs scientifiques rejetés à l’aube du positivisme (1750-1835), thèse de doctorat soutenue le 4 février 1999, Université de Nantes (reproduction par l’ANRT en 2002, Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion), chapitre 3, « La théorie de la gravitation de Lesage » (section intitulée « Attraction continue contre impulsion discontinue », p. 136-140).
[21] Vol. VII, 1757, p. 874a.
[22] D’Alembert à Le Sage, 9 mai 1757, lettre 57.13, O.C. V/1. Le Sage renoncera à donner suite : « je travaillai si lentement à ce Parallèle ; Qu’au bout de 15 mois, il n’etoit pas encore fini. Et alors ; j’apris par les Nouvelles publiques, la mort de Mr Bouguer, arrivée le 15e Aoust 1758 : De sorte que, je crûs inutile de l’achever ; Mr de Mairan, nomme commissaire avec Mr Bouguer pour la revision de mon Essai, n’ayant pas desiré de voir ce Parallèle » (Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2054, carte isolée).
[23] D’Alembert à Le Sage, 9 mai 1757, lettre 57.13, O.C. V/1.
[24] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2056b, 12/2.
[25] Idem.
[26] « Quelques opuscules de G. L. Le Sage relatifs à la méthode », dans Pierre Prévost, Essais philosophiques, ou Étude de l’esprit humain, Genève, an XIII [1805], vol. II, p. 269.
[27] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2054.
[28] Minutes d’une lettre de Le Sage adressée à « Mr l’Abé Morellet, Dr de Sorbonne », sans date (Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2054/C). Un feuillet classé au même endroit indique comme poste restante : « mr. Le Greton rüe de la harpe. libraire pour l’enciclopedie. Pour remettre à mr. l’abbé morellet ».
[29] Les mentions de la saison hivernale et des mémoires promis à Mairan et Bouguer permettent de dater ce brouillon de lettre de novembre 1757, « deux mois » après le départ de Morellet.
[30] Lire sur site de l’ENCCRE le dossier critique consacré à cet article par Audrey Faulot, qui suggère plusieurs plumes possibles. Le mot Interpolation des séries se contente de renvoyer à Série ou Suite, signé D’Alembert.
[31] Le Sage à D’Alembert, 28 décembre 1757, lettre 57.32, O.C. V/1.
[32] Idem. La lettre se conclut par deux nouvelles en termes lapidaires à propos de relations communes : « Mr de Voltaire est à Lauzanne. Mme D’Epinay se porte assés bien ».
[33] D’Alembert à Durival, 1er janvier 1758, lettre 58.01, O.C. V/1.
[34] D’Alembert à Vernes, 15 janvier 1758, lettre 58.07, O.C. V/1.
[35] Tronchin à D’Alembert, 28 décembre 1757, lettre 57.34, O.C. V/1.
[36] D’Alembert à Tronchin, 6 janvier 1758, lettre 58.03, O.C. V/1.
[37] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2056b, 12/2.
[38] Un des premiers biographes de Le Sage y ajoute foi, peut-être à partir d’une autre source : « On pensa un moment à lui, parmi ses connaissances de Paris pour remplacer d’Alembert dans la direction de l’Encyclopédie » (André Sayous, op. cit., vol. II, p. 11).
[39] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2054/C, carte isolée.
[40] Le Sage donnerait-il à ce terme l’une des définitions rappelées dans l’Encyclopédie, à savoir « rudimens du corps d’un animal renfermés dans un œuf dont le placenta n’a pas encore jetté des racines, pour l’implanter dans la matrice » (vol. V, 1755, p. 561b) ?
[41] André Morellet, Mémoires inédits sur le dix-huitième siècle et sur la Révolution, Paris, Baudouin, 1822, p. 19.
[42] D’Alembert à Morellet, 14 août 1758, lettre 58.37, O.C. V/1. Morellet est alors en Italie, voyage occasionné par le décès du pape Benoît xiv (Morellet, op. cit., p. 55).
[43] D’Alembert à Frisi, 20 novembre 1758, lettre 58.44, O.C. V/1.
[44] Diderot à Voltaire, 19 février 1758, lettre 1758-8, dans Denis Diderot, op. cit, p. 299.
[45] Diderot à Turgot, 21 janvier 1759, lettre 1759-2, dans Denis Diderot, op. cit, p. 346-347. Diderot soumet la liste suivante à Turgot sous le sceau d’anonymat : Humidité, Idée, Intérêt de l’argent, Impôt, Immatérialisme, Inspecteur, Intendant de province.
[46] Pour un suivi au plus près des activités de Grimm sur cette période et son implication dans le « secours » de l’Encyclopédie, lire l’indispensable travail d’édition critique d’Ulla Kölving de sa Correspondance littéraire, Ferney-Voltaire, Centre international d’études du XVIIIe siècle, 2011, t. vi [1759].
[47] Diderot à Grimm, 1er mai 1759, lettre 1759-12, dans Denis Diderot, op. cit, p. 360.
[48] « D’Alembert, après avoir encore balbutié, sacré, pirouetté s’en alla, et je n’en ai pas entendu parler depuis » (idem).
[49] Ibid., p. 366.
[50] Ibid., p. 364.
[51] Grimm à Georges-Louis Le Sage, 26 septembre 1759, lettre N° 280, dans Correspondance privée de Frédéric-Melchior Grimm, 1723-1807, J. Schlobach & V. Otto (éd.), Genève, Éditions Slatkine, 2009, p. 372-373.
[52] Cramer à Grimm, 21 novembre [1759], D9420, dans Voltaire, Correspondence and related documents (vol. 22), Œuvres complètes de Voltaire / Complete works of Voltaire, Genève, Banbury, t. 106, 1972, p. 324-326. Sur la datation rétablie de cette lettre, lire Ulla Kölving, op. cit., p. xvii, note 38.
[53] Sur ce support matériel du travail savant, partie prenante de la tragédie intellectuelle vécue par Le Sage, lire le très bel ouvrage de Jean-François Bert, Comment pense un savant ? Un physicien des Lumières et ses cartes à jouer, Paris, Anamosa, 2018.
[54] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2054, carte isolée.
[55] Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2056b, feuillet contenu dans la chemise 12/2. Il s’agit d’Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799), alors son élève (Pierre Prévost, Notice de la vie et des écrits de Georges-Louis Lesage de Genève, Genève, J. J. Paschoud, 1805, p. 83-84).
[56] Bibliothèque de Genève, Ms. Bonnet 27, f. 127r.
[57] La lettre, contenue dans le tome IV de la correspondance passive que Bonnet a pris la peine de constituer, n’est en effet pas datée mais Le Sage, qui en a fait une copie tardive (Bibliothèque de Genève, Ms. fr. 2065, f. 39r), la situe « probablement en 8bre 1762 […] à en juger par la place qu’elle occupe », c’est-à-dire après une lettre du même indexée « 6 2 » (6 octobre 1762). À propos de l’exceptionnelle correspondance de Bonnet, lire Jean-Daniel Candaux, « Menus propos sur la correspondance de Charles Bonnet », dans M. Buscaglia, R. Sigrist, J. Trembley, J. Wüest (dir.), Charles Bonnet savant et philosophe (1720-1793), SPHN, vol. 47, 1994, p. 177-181. Des extraits de la correspondance active de Bonnet avec Le Sage couvrant cette période ont été publiés par Pierre Prévost, op. cit, p. 319-325.
[58] Diderot, op. cit., p. 367-368, note 12.
[59] Diderot à Voltaire, 29 septembre 1762, dans Diderot, Correspondance [volume v des Œuvres de Diderot], édition établie par Laurent Versini, Paris, Robert Laffont, 1997, p. 449.
[60] Diderot à Damilaville, 12 septembre 1765, Ibid., p. 530.
[61] Encyclopédie, vol. VIII, p. 417a-417b. Deux autres acceptions sont données sous les désignants Mathématiques et Médecine. La première, entièrement originale et signée La Chapelle, lui donne le sens de prémisse. La seconde, non signée, se réduit à la définition lapidaire suivante : « ce mot grec est synonyme d’opinion. Voyez Opinion, Système, Médecine, Nature, Expérience, Observation ».
[62] Pour une mise au point sur ce topos du siècle des Lumières, lire Sophie Marchand et Élise Pavy-Guibert (dir.), L’Esprit de système au XVIIIe siècle, Paris, Hermann, 2017.
[63] Encyclopédie, vol. XV, p. 777a-778a. Le terme est également explicité sous sept autres désignants qui succèdent à celui de Métaphysique dans l’ordre suivant (certains avec signature) : Philosophie, Astronomie (D’Alembert, qui traduit Chambers), Anatomie, Belles Lettres, Art militaire (Leblond), Musique (Rousseau), Finance (Jaucourt), Rubanier.
[64] Vol. XV, p. 778b-779b.
[65] Vol. XII, p. 500a.
[66] Vol. XIII, p. 393b-400a.
[67] Jean-Daniel Candaux, « Un auteur (et même deux) pour Idée, Induction, Probabilité : Monsieur de Lubières encyclopédiste », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, vol. 15, octobre 1993, p. 71-96. Du même, lire Jean-Daniel Candaux, « Vingt-deux articles manuscrits pour l’Encyclopédie localisés en Suisse romande », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, vol. 44, 2009, p. 219-228.
[68] Respectivement p. 489a-494a et p. 686b-690a. Il faut leur ajouter un quatrième article : PASSIONS, sous le triple désignant Philosophie, Logique, Morale (vol. XII, p. 142a-146a).
[69] Une version de ce cours a été finement étudié par Thierry Martin, « La logique probabiliste de Gabriel Cramer », Mathématiques et sciences humaines, 176, 2006, p. 43-60. Il ne faut pas le confondre avec son homonyme parfait et cousin éloigné imprimeur évoqué plus haut.
[70] Vol. XVI, p. 546a.